Remarques en passant sur la combinaison capital, savoir-faire et rébellion
vendredi 11 septembre 2015 :: perrick :: Entreprenariat :: aucun commentaire :: aucun trackbackAprès un premier jet sur Les mirages de la Silicon Valley, je profite d'un nouvel essai de Nicolas Colin intitulé Qu’est-ce qu’un écosystème entrepreneurial ? pour tenter d'y voir encore un peu plus clair.
Bien sûr, l'abstraction est séduisante : dénicher une recette pour un écosystème entrepreneurial est un graal pour beaucoup de pays. Ou de "territoires". Et il faut avouer que la combinaison capital, savoir-faire et rébellion est féconde. Elle permet un tas de raccourcis brillants et surtout d'expliquer avec brio les succès de la Silicon Valley, de Londres ou d'Israël.
Premier point intéressant, les investissements publics peuvent avoir leur part dans la constitution du "capital" : le programme Yozma est un exemple réussi de ce que nous appellerions "niche fiscale" en France. Ici ça donne :une souscription au capital d’une Petite ou Moyenne Entreprise et/ou Industrielle permet de réduire de 18 % son IR ou de 50 % son ISF, là-bas c'est : offering attractive tax incentives to foreign venture-capital investments in Israel and promising to double any investment with funds from the government. Sans parler des fonds prodigieux du Département de la Défense qui ont irrigué la Silicon Valley : la puissance publique peut encore espérer jouer des cartes.
Deuxième point saillant : l'importance des villes, de Londres à San Francisco, de Bangalore à Tel Aviv-Jaffa. C'est à mon sens la principale faiblesse de l'argumentation comparative de l'essai. Les Français n'ont pas le monopole de la rébellion politique, il suffit de penser à Charleston ou à Michael Brown; Berlin et sa scène artistico-hacker montre un tout autre visage que les grandes entreprises - qu'elles soient allemandes ou autres; Londres peut se targuer d'avoir créer un désert anglais. Les premiers dragons asiatiques - Séoul, Taiwan, Hong-Kong - ont montré un chemin vers une forme de modernité avec une densification phénoménale de leur territoire et une ouverture totale à la mondialisation (sans passer par la case "industrie lourde à usage intérieur"). Peut-être les vieux centres occidentaux ont-ils tout juste commencé à découvrir la recette ! Dans son livre magistrale - Une grande divergence, Kenneth Pomeranz nous mettait en garde contre ce biais méthodologique - confondre territoire et pays - en étudiant finement la région de Liverpool & Manchester à certaines zones de la Chine impériale et en démontrant que c'est une contrainte énergétique qui permet d'expliquer le grand écart qui arrivera au cours du XIXe siècle. Et puis l'histoire - à partir de la Renaissance en particulier - regorge de poches citadines d'une grande richesse : Venise et le Levant, Gênes et les Amériques, Amsterdam et l'Orient. Après avoir "disparu" dans les changements d'échelle apportés par l'Etat-Nation, chacune des ses villes profite désormais d'une rente touristique pour le plaisir de nos yeux, en attendant peut-être que les ponts abandonnés de Californie nous offrent la même impression.
D'autres internautes ont cités Todd, FrenchTech, ENA dans les commentaires : le débat n'est pas clos et il continuera de rebondir. Peut-être en allant explorer l'Asie - grande absente de l'article et que j'avoue très mal connaître.