De la diversité des aménagements cyclistes à Londres
dimanche 16 décembre 2018 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackEn trois en jours à Londres début décembre 2018 (et plus de 6h de marche active) j’ai eu le temps d’arpenter des coins que je connaissais bien moins que l’axe Camberwell / Lambeth / Victoria / South Kensington de mes années de lycée puis d’université. Entre King’s cross, Holborn, Blackfriars et Shoreditch, l’atmosphère a été largement transformée.
Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est la déprise des voitures et l’importance grandissante des vélos avec deux marqueurs très forts : le péage urbain d’une part et les autoroutes cyclistes de l’autre.
Moins remarquables mais peut-être tout autant efficaces, les poteaux qui coupent régulièrement les rues aux voitures dans le centre où les voitures ont déjà payé £11.50 le droit de s’aventurer.
D’ailleurs on trouve de nombreux marqueurs de ce succès dans les écriteaux éparpillés de ça de là et qui dictent aux cyclistes les nouveaux usages à respecter, de l’injonction à mettre pied à terre à celle de ralentir, de l’interdiction d’accrocher son vélo à celle de traverser tel ou tel parc.
Sans compter les aménagements effectués par les usagers directs ou indirects : des vélos sont stockés dans les coursives des anciens « councils estates », sont laissés à l’abandon au bord d’un square, sont privilégiés sur la voirie, sont exhibés dans les bureaux, sont garés sur les anciens jardinets, sont déviés vers d’autres parkings plus loin, etc.
Et visiblement ce n’est pas fini…
PS : avez-vous vu le nombre de voitures garées sur ces photos ?
Serez-vous ville ou campagne quand la bise viendra ?
jeudi 29 novembre 2018 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackEntre alerte à la pollution et tranquillité de l’âme, le choix peut être cornélien… Surtout si on ajoute les questions liées au changement climatique ! Quelques pistes en cours d’exploration au Canada, aux Etats-Unis et en France avec liens et extraits plus ou moins en vrac.
Why we gave up on the country life par Matthias Wandel
We moved out to the country last year, but it turns out it did not make us happy. While there is much to appreciate about a big property, between maintenance, kids, having to drive for everything, no family nearby, and tendonitis problems for me, we never actually got to enjoy the property.
Une fréquence qui a alerté Emmanuelle Amar, épidémiologiste, elle travaille pour le Remera, une structure qui recense les malformations dans la région. Dans cette zone géographique, c’est 58 fois plus que la normale, selon les résultats de son enquête. « On a interrogé toutes les mères avec un questionnaire très poussé sur leurs habitudes de vie. Le seul point commun c’est que toutes ces femmes vivent en zone rurale au milieu des champs. »
Can You Build a Resilient Place from the Ground Up? par Daniel Herriges
Serenbe is the first of those compact communities to break ground in the area. Over a decade in, it is now about 15% built out, with approximately 650 residents. Many of the businesses in the community cater to healthy-living trends: a yoga studio, a spa, a farm-to-table restaurant. Serenbe’s key selling points to prospective residents are health—air quality, local food, and ubiquitous access to nature—and an idyllic vision of community in which residents are involved and invested.
Ecovillage at Ithaca and its educational non-profit Learn@EcovillageIthaca
EcoVillage at Ithaca is part of a global movement of people seeking to create positive solutions to the social, environmental and economic crises our planet faces. Since 1991 we have developed an award-winning ecovillage that invites you to live, learn and grow. Our mission is to promote experiential learning about ways of meeting human needs for shelter, food, energy, livelihood and social connectedness that are aligned with the long-term health and viability of Earth and all its inhabitants.
We are wired to raise children in community par Frederic Laloux
A year ago, my wife Hélène, our children — then six and thee-years-old — and I made a bold move. We boxed up our life in Belgium and flew over the ocean while our stuff slowly made its way in a container across the ocean. We changed not just countries, but how we lived. We left a bustling city to join an ecovillage in Ithaca, in upstate New York. We now have views of rolling hills and ponds and woods and trails. There’s an organic farm on the village’s land, which feeds us. Our neighbors have become friends and extended family. And there are kids and playgrounds all around.
Quand la défense de la terre nourricière s'invite au cœur des villes par Yannick Sencebe
Comme à Notre Dames des Landes, le quartier dit « des Lentillères » à Dijon a vu passer depuis 15 ans divers projets (gare TVG, clinique, etc..) jamais concrétisés mais qui ont eu raison de l’ancrage ancien des maraîchers qui en peuplaient les parcelles, fort riches sur le plan agronomique. Les propriétaires ont attendu de vendre à bon prix les terres que la mairie devait préempter. Ces 9 ha de terres maraîchères jouxtent 10 ha d’une friche industrielle composée d’anciens abattoirs et tanneries. Un espace autogéré « les Tanneries » s’y est installé en obtenant un bail et le droit d’y développer des activités publiques (concerts, bibliothèque, lecture...). Le tout est intégré dans un projet du Grand Dijon (agglomération), annoncé en 2010, s’accordant à la volonté de Dijon de devenir une capitale verte et prenant la dénomination de ce qu’il allait transformer : « l’éco-cité jardin des maraîchers ».
À Dijon, le succès d’un quartier autogéré et agricole par Roxanne Gauthier et Lorène Lavocat
La mairie a tenté de briser la dynamique à plusieurs reprises. En 2012, elle a ainsi envoyé une pelleteuse retourner sans ménagement les cultures. Mais rien n’y fait, au contraire. « Chaque répression a généré une résistance et un élargissement du collectif », souligne la chercheuse. Trois futurs paysans se sont installés cette année-là sur la friche, créant une ferme maraîchère. Puis, peu à peu, d’autres sont venus poser leur caravane et édifier des cabanes. « Cultiver la terre ne suffisait pas, explique Jean, établi sur les lieux depuis 2014. Pour renforcer la lutte, il fallait vivre sur place. » L’an dernier, Madeleine a participé à l’édification d’une bâtisse collective en terre crue au cœur de la friche. Au gré des constructions, le campement s’est mué en quartier.
TERA, un écovillage pour le XXIe siècle
Tera est un projet expérimental qui vise à construire un éco-village pour relocaliser à 85% la production vitale à ses habitants, abaisser son empreinte écologique à moins d'une planète, valoriser cette production en monnaie citoyenne locale, émise via un revenu d'autonomie d'un euro supérieur au seuil de pauvreté pour chacun de ses habitants.
Requalification urbaine du centre-bourg : le pari à 2,7 millions des élus lambersartois
mercredi 9 mai 2018 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackLa mairie de Lambersart - avec le soutien de la Métropole Européenne de Lille - va investir 2,7 millions d’euros pour requalifier son Bourg (c’est à dire ce qu’il reste de centre-ville dans cette commune de la banlieue lilloise). En février 2017, « l’idée est celle d’un mail piétonnier entre l’avenue du Parc et l’avenue de l’Hippodrome, incluant le pourtour de l’église, en préservant une place pour les voitures et les transports en commun. »
Il eut été tout aussi exact de dire entre « un des axes structurants qui relie Lille à la rocade Nord-Ouest » qui draine plus de 20000 véhicules par jour et qui mène à un premier supermarché et « un autre axe qui mène directement au quartier HLM construit dans les années 60 et 70 » desservi lui aussi par un autre supermarché. Le reste du périmètre est cerné au nord par une voie ferrée (sans gare) et au sud par une zone résidentielle avec autant de verdure que d’impasses. Heureusement le collège et l’église garantissent un passage régulier de piétons et même sans magasin de bouche (aucune trace de boulangerie, la boucherie a fermé l’année dernière), les banques et les agences immobilières tiennent le terrain. Il n’en reste pas moins que plusieurs cellules sont à vendre depuis longtemps.
Bien sûr la mairie écoute ceux qui demandent de la vidéo-protection (alors que les commerçants sont bien évidemment les premiers « yeux de la rue ») et tente de rassurer les autres en arguant que « les arbres seront préservés le plus longtemps possible ».
Moins d’un kilomètre plus loin, entre les quartiers « Canon d’or » et « Champs de courses » se sont installés en moins de 18 mois : une couturière de robes de mariée, une architecte, une sophrologue, une psychologue, un cabinet d’urbanisme, un centre d’esthétique et de nutrition. Ils se sont ajoutés à tous les commerçants installés sous un HLM (boulanger, boucher-traiteur, caviste, fleuriste, pharmacienne, esthéticienne) et les autres qui avaient transformé une habitation, un garage ou un jardin (agence immobilière, artisan plombier, médecin).
Rendez-vous dans 5 ans pour vérifier s’il vaut mieux les centaines de milliers d’euros de la mairie accompagnés des millions de la MEL et un « terre-plein central avec stationnement à l’intérieur » (comme s’il n’y avait pas déjà deux parkings à moins de 100m) ou un quartier avec peu de coupures urbaines pour « développer l’attractivité de la ville » et suffisamment de densité pour soutenir des rez-de-chaussées vivants. Mais qu'on ne me fasse pas croire que supprimer les arbres pour piétons le long de l'église pour en mettre d'autres pour les voitures garées au niveau de l'îlot central soit compatible avec une politique responsable pour le XXIe siècle : d'autres chantiers ont besoin de l'argent public.
Quand Lyon devient mon Gemba
samedi 31 mars 2018 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackMardi et mercredi dernier, c'était le Lean Summit à Lyon (les 27 et 28 mars 2018 donc). Le temps de prendre une piqûre de rappel, d'écouter les pionniers passer la main, de croiser de vieilles connaissances, d'en rencontrer de nouvelles et d'être enthousiasmé par certaines initiatives hospitalières ou industrielles. Et aussi de faire un petit tour dans un terrain urbain nouveau pour moi, Lyon : une visite Gemba si on veut utiliser la terminologie Lean.
En sortant de la Cité Internationale, le bain "japonais" continue avec les petites fleurs roses d'un prunus. Pas si loin de leurs cerisiers.
Je ne suis pas le seul à trouver ça poétique : les appareils photos sont de sortie, malgré le temps couvert. Un peu plus loin, je découvre quelques particularités du parc de la Tête d'Or : de très belles serres, de très larges routes goudronnées et des trottoirs terreux - sans macadam - que les piétons laissent bien volontiers aux coureurs à pied.
La relation au bitume des lyonnais est tout autant paradoxale dans la ville. D'un côté, des 3 ou 4 voies à sens unique (cours Vitton par exemple) : le genre d'artère qui invite des traversées en voiture à plein régime et qui aurait fait bondir Jane Jacobs.
Et de l'autre, des travaux pour faire la place belle aux bus, cyclistes et autres transports en douceur.
Je sens que la transition ne va pas être simple ! Surtout avec des grossistes qui tiennent encore les quartiers du bord de Rhône en plein coeur de la ville.
Notes urbaines et ouvertes à Valenciennes
mercredi 7 février 2018 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackM. Le Président de la CCI de Valenciennes,
Nous avons eu le plaisir d’échanger sur les villes, celle de Valenciennes que vous souhaitez promouvoir, celles de Lille ou de Lambersart que je pratique tous les jours et toutes celles que nous croisons au gré de nos déplacements et de nos lectures respectifs. Ce rapide billet est juste l’occasion de formaliser quelques fruits de cet échange.
Commençons par Jane Jacobs bien sûr ! Ses ouvrages « Life and Death of Great American Cities » ou « The economy of cities » ont largement aiguisé ma propre lecture des dynamiques urbaines. Elle montre que 4 marqueurs sont nécessaires à la bonne santé d’un centre-ville : 1/ un mixité de fonctions primaires (commerce, logement, travail, loisirs, etc.), 2/ des quartiers perméables (avec des rues qui se croisent à petits intervalles), 3/ des bâtiments de tout âge et 4/ une densité suffisante. Des chercheurs de Trento (en Italie) ont essayé de vérifier si son intuition était bonne : en s’appuyant sur les données des téléphones portables, ils sont arrivés à l’affirmative. Niveau recherche universitaire en France, les choses bougent aussi : le phénomène de la décroissance urbaine a désormais son ANR. Et c’est le groupe Altergrowth qui tente d’y voir plus clair.
La ville de Vancouver (au Canada) aussi s’est donnée l’objectif d’accueillir des familles dans son centre-ville. Elle a commencé il y a plusieurs dizaines d’années et sur son chemin, elle a même créé sa forme urbaine spécifique : une tour entourée de maisons particulières et d’unités commerciales. Les résultats sont probants : plus de 7000 enfants habitent désormais le coeur de la ville. Et la ville se retrouve désormais avec des riches asiatiques ont décidé d’y parquer leur argent, un nouveau type de problème à résoudre. Sur la zone d’Euratechnologies (une zone de bureaux), mes salariés disent la même chose : pour eux, tout commence par des crèches.
Comment la France a tué ses villes est assez bien documenté (l’addiction à la voiture y est pour beaucoup) et ses conséquences toujours visibles. Pour y pallier les mairies peuvent essayer de préempter des fonds commerciaux ou artisanaux comme à Douai. Elles peuvent aussi tester des formules de séparation entre murs et foncier grâce au démembrement. Reste à y greffer des habitants, un quartier ou une communauté : grâce au financement participatif, des châteaux y sont arrivés récemment. Il y a même une structure juridique qui se prête bien à des croisement hybrides entre acteurs divers : les SCIC. Des exemples de commerces communautaires existent hors des « grandes villes » au Royaume-Uni comme à Grindleford ou Thorncombe ou en France à Annecy ou Chateaufort. Ces filières commencent même à se structurer… Et si on se prend à rêver un peu plus, on peut aller chercher d’autres lieux à faire vivre : piscine, ferme, centrale électrique, cinéma, etc. Il y a déjà pléthore d’initiatives sous la grande bannière des Communs.
Souvent les questions financières s’en tiennent aux « acteurs économiques » (entreprise, commerce, artisan) : les villes américaines - à commencer par Détroit - ont montrer au contraire que ces questions pouvaient toucher de plein fouet les « acteurs territoriaux ». Le travail d’un groupe d’économistes sur Lafayette - toujours aux Etats-Unis mais en Louisiane - permet d’éclairer ces sujets : seuls les quartiers centraux (loin d’être toujours les quartiers les plus chics) sont « dans le vert ». Y maintenir globalement l’infrastructure existante (aucune nouvelle route, aucune canalisation supplémentaire) nécessiterait $3300 d’impôts supplémentaires par maison et par an : évidemment c’est impossible. Les banlieues vont bientôt mener la ville à la banqueroute. Même avec les taxes de vente - collectés par les entreprises, y compris la grande distribution - une ville avec ses banlieues étalées ne s’y retrouve pas. Los Angeles - l’autre mégalopole de la voiture outre-Atlantique - se prépare elle aussi à des réveils difficiles. La densification se fera contrainte ou accompagnée.
Pour mailler une aire urbaine qui voudrait sortir du tout-voiture, le train et le vélo sont des alternatives complémentaires. Avec son pôle de compétitivité i-Trans et l’agence européenne qui va avec, Valenciennes est bien partie… Reste que si j’en crois les comptes-rendus de l’association Droit au vélo il reste beaucoup de chemin à faire de côté-là : même pas un entre-filet pour témoigner d’une rencontre avec une collectivité du Valenciennois dans le dernier numéro de leur journal. Après une seule année même la démarche très volontariste de la mairie de Lille a déjà atteint un palier : reste à mettre les bouchées doubles pour découvrir les bienfaits du cyclisme sur les commerces de proximité, comme Amsterdam le prouve bientôt 10 ans.
J’en reste là pour cette fois : encore merci de m’avoir donné l’occasion de transformer quelques liens en autant de notes et au plaisir de poursuivre cet échange ultérieurement.
Lille, une capitale qui gagne quand elle joue dans sa catégorie et qui n'obtiendra pas l'AEM
dimanche 26 novembre 2017 :: perrick :: Espace urbain :: 6 commentaires :: aucun trackbackDans le Nord la nouvelle du mois de novembre 2017 aura été que l’Agence Européenne des Médicaments ira à Amsterdam, pendant que l’Autorité bancaire européenne fera le trajet Londres - Paris. Celle d’octobre 2017 fut l’annonce de la sélection du siège des Hauts-de-France au titre de Capitale Mondiale du Design… pour 2020.
Lille aura donc joué deux fois dans une cour internationale avec un taux de succès à 50%. A la fin des années 1990 et au début 2000, Lille avait aussi joué sur deux tableaux : malgré un dossier solide porté par le CNSOF, les JO d’été échoueront finalement à Paris près de 20 ans plus tard et le titre de « Capitale européenne de la Culture » (gagné pour l’année 2004 en même temps que Gênes) aura été le lot de consolation suite à une belle campagne populaire.
La MEL bénéficie d’une position géographique intéressante : avec trois capitales (et non des moindres à l’échelle européenne et mondiale) à moins de 1h30 - Bruxelles, Londres et Paris - difficile de barboter en deuxième catégorie. Des prix de l’immobilier qui font rêver certains parisiens, des grandes écoles attractives, des sièges sociaux de grands groupes et un écosystème numérique puissant (entre autres) placent quand même Lille (avec Roubaix, Tourcoing et les 87 autres communes de son agglomération) dans le peloton de têtes des métropoles françaises attractives. Reste que la ville traîne encore une réputation peu enviable et des indicateurs sociaux pas toujours au vert fixe : il y a encore du boulot localement pour être au niveau de Copenhague ou de Milan.
Mais à bien y regarder rares sont les villes qui ont réussi à l’échelle mondiale leur passage d’une catégorie à l’autre depuis 50 ans : surnagent les tigres asiatiques, Hong-Kong, Singapour, Séoul et Taipei. Elles ont bénéficié du grand rattrapage de l’Asie, de l’exemple japonais, de la formidable croissance chinoise et de leur singularité de ville-état.
La capitale de Taiwan fait d’ailleurs parti des anciennes lauréates du titre de Capitale Mondiale du Design (en 2016) : bloquée par ses démêlés géo-politiques avec la Chine continentale, elle n’aura jamais accès aux JO ou aux grandes institutions mondiales. On retrouve dans cette liste Le Cap (capitale à domaine partielle - avec Pretoria et Bloemfontein - pour l’Afrique du Sud), Helsinki (petite capitale dans un pays d’à peine 5 millions d’habitants) et Turin (une ville jumelle, elle aussi en deuxième catégorie italienne derrière Rome et Milan). Seules Mexico et Séoul sont de véritables grandes villes mondiales de ce palmarès.
On peut faire le même constat pour les Capitales européennes de la Culture : il s’agit d’un concours et d’un vitrine pour villes de deuxième rang (comme Wrocław en Pologne, Saint-Sébastien en Espagne, Aarhus au Danemark ou Paphos à Chypre). Bien sûr Esch-sur-Alzette (2ème ville du Luxembourg avec ses 34 000 habitants) ne pèsera pas lourd en 2022 quand viendra son tour. Mais loin est le temps où les capitales postulaient : l’Union Européenne considère désormais qu’elles n’en ont pas besoin.
Dans son essai Cities and the Wealth of Nations (encore lui), Jane Jacobs montre bien comment les villes doivent se bagarrer, se jauger, se confronter et se frotter avec d’autres villes de taille similaire pour se développer économiquement : se limiter à commercer avec des villes plus riches et plus développées est fatal pour les villes en retrait, car ce commerce n'est qu'un tremplin pour s'engager dans un autre type de commerce interurbain : le commerce avec les villes dans les mêmes conditions et au même stade de développement qu'elles-mêmes. Cela signifie que les villes en retrait doivent commercer le plus fortement avec d'autres villes en retrait. Autrement, le fossé entre ce qu’elles importent et ce qu’elles peuvent remplacer par leur propre production est trop grand pour être comblé.
Une chose que Lille aura réussi à faire avec Turin par exemple : des rames de métro qui ont servi lors du pic de fréquentation de la capitale du Piémont pour les JO d’hiver de 2006 circulent désormais sur la ligne 2 entre Tourcoing et Lomme. On imagine mal Transpole échanger des rames avec la RATP (même si la Gare de Lille-Flandres aura bénéficié des pierres de la Gare du Nord). Si ce type de rame issu des laboratoires de Lille I et de Centrale Lille s’exporte dans des grandes capitales, c’est pour compléter des réseaux plus larges comme à Paris (pour les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle) ou à Séoul (dans la banlieue nord d’Uijeongbu).
Le récent passage du Big Up for Startup en est un autre exemple. Né en 2015, cet activateur de business numérique fait en 2017 un tour de France en évitant soigneusement Paris : Marseille, Montpellier, Besançon, Nantes, Nancy, Lille et Bordeaux sont au programme. La compétition / émulation fait son effet : Lille is French Tech (la marque que le territoire s’est offert dans une autre compétition à l’image) se place déjà sur la deuxième marche par le nombre de rendez-vous pris lors de sa première édition et s’imagine avec délectation grimper d’un cran dès 2018, devant Montpellier, ville-hôte des créateurs du projet et de la première édition. En croisant les doigts pour que Lyon n’entre pas trop vite dans la danse et que Nantes ne lui grille pas la politesse.
Barcelone pourrait servir de contre-exemple : boostée par l’effet conjoint d’une langue spécifique, d’une longue histoire, d’un joli coup médiatique (les JO en 1992) et d’un climat méditerranéen, cet embryon de capitale était parmi les villes favorites pour l’AEM. Jusqu’à ce que les échanges à vif avec Madrid sifflent la fin de la partie.
Si elle veut continuer à grandir, Lille doit arrêter de se projeter avec Paris, Bruxelles et Londres. Son avenir se joue dans les relations économiques et culturelles qu’elle tissera avec Anvers, Bristol, Turin, Düsseldorf, Barcelone, Göteborg et la ribambelle des métropoles françaises qui ne sont pas encore tombées dans l’orbite parisienne.
De la division de la souveraineté comme antidote aux transactions de déclin économique
jeudi 9 novembre 2017 :: perrick :: Espace urbain :: 2 commentaires :: aucun trackbackPendant que Madrid et Barcelone s'écharpent, j'ai repris un livre de Jane Jacobs : Cities and the Wealth of Nations. Non traduit en français (à ma connaissance au moins), il trace les milles et une manières pour un territoire de tomber dans le déclin. Tout commence par une ville, avec ses deux moteurs de développement économique : le remplacement des importations d'une part et l'exportation par l'innovation d'autre part.
Certains territoires auront la chance d'avoir une telle ville-locomotive. Mais d'autres seront piégées par leurs matières premières (elle donne l'exemple de l'Uruguay et de sa capitale Montevideo au milieu du XXe siècle). Pour d'autres encore ce sera l'arrivée d'une technologie extérieur : les paysans rendus obsolètes par les engrais, les machines ou les techniques importées n'auront que la misère pour horizon, leur territoire n'ayant pas de ville capable de leur fournir un travail (elle se réfère à l'Ecosse du XVIIIe ou la Cotton Belt aux Etats-Unis après la guerre de Sécession). Ensuite il y a bien sûr l'illusion de l'attractivité : le temps d'amortir son équipement et l'usine ira voir ailleurs, vers un mieux offrant. Ou celle plus pernicieuse encore du capital exporté qui ne sert pas à sa ville d'origine pendant ce temps d'amortissement, et qui pourrait lui manquer si elle venait à traverser une mauvaise passe pendant cette période. Surtout une ville a besoin de consoeurs à sa taille pour échanger et faire vivre son mouvement de remplacement des importations.
Jane Jacobs propose un chemin radical et totalement utopique pour renouer avec des formes d'épanouissement économique : diviser les économies nationales qui étouffent les échanges fructueux entre villes et forcent ce qu'elle appelle les transactions de déclin (à commencer par les subventions obligatoires) pour laisser à ces dernières la gestion de leur développement (à commencer par leur propre monnaie, considérée en particulier comme un régulateur économique automatique : les Français avec leurs dévaluations successives en connaissent quelque chose).
Je la cite : l'équivalent pour une unité politique serait de résister à la tentation de s'engager dans des transactions de déclin en ne cherchant pas à maintenir la cohésion. La discontinuité radicale serait donc la division d'une souveraineté unique en une famille de souverainetés plus petites, non pas après que les échanges aient atteint un stade de dégradation et de désintégration, mais bien avant quand l'activité se développe encore raisonnablement bien. Dans une société nationale qui se comporterait ainsi, la multiplication des souverainetés par division serait l'accompagnement normal et non traumatisant du développement économique lui-même et de la complexité croissante de la vie économique et sociale.
Et même si Madrid et Barcelone (sans parler de Vitoria-Gasteiz ou de Saint-Jacques-de-Compostelle) arrivaient à se mettre d'accord - on peut toujours rêver - pour appliquer ces idées, je ne pas certain que l'euro soit la bonne carte à jouer ensuite. A moins bien sûr que la Catalogne utilise le projet de monnaie locale barcelonais, contre l'avis de la banque centrale madrilène bien sûr.
Petite balade économico-touristique en Bretagne : Lechiagat
lundi 23 octobre 2017 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackCet été nous avons été accueilli par le phare de Croas-Malo, emblème de Lechiagat, le quartier portuaire de la commune de Treffiagat dans le pays bigouden où nous avons passé deux semaines en famille, entre l'océan atlantique et l'estuaire du Steir. Un coin tranquille au fin fond du Finistère, remarquable par des ruelles apaisées et des grandes plages sans (trop de) touristes.
Des plages qui ont été quand même endommagées par les tempêtes, en particulier celles de 2014 : malgré l'enrochement, le cordon de dune est visiblement encore vulnérable.
De l'autre côté de la dune, le chemin des douaniers et la littorale à vélo - Voie 5 (qui amène son lot de touristes du genre sportif à sac à dos et à sacoche), l'étang du Loch Vihan avec son menhir de Léhan et quelques maisons très récentes qui cachent leur proximité avec cette nature fragile par des buissons plus ou moins touffus.
Le parcours de santé quant à lui est laissé à l'abandon : la dune reprend les quelques droits qu'on lui laisse.
Quand Lille se rêve pour les 0,01% en quête d’investissement immobilier
vendredi 5 mai 2017 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackJe garde de mon temps à Londres le plaisir dominical d’un journal. Un petit tour au kiosque pour acheter The Guardian ou The Observer, survoler plus ou moins rapidement les nombreux suppléments, commencer par la fin le journal proprement dit (autrement dit le sport, of course), relire la chronique d’Alexander Chancellor, finir avec les doigts plein d’encre. Au détour d’un week-end, c’est un Financial Times, apporté par une soeur après d’une traversée en Eurostar, qui arrive à la maison : certes les pages sont roses, mais la madeleine refait surface. Une bouffée londonienne…
Comme avec tous les journaux « professionnels » (du Marin à Eco121), je prends plaisir à découvrir des sujets qui ne m’intéressent pas directement : ils permettent de s’offrir à peu de frais un point de vue original, de toucher du doigt des problématiques qui nous impacteront plus tard ou de découvrir comment une industrie fait face à ses nouvelles contraintes.
Et puis en page 4 du supplément House & Home, une photo attire mon attention. Sa légende ? France - Lille Centre, Mansion transformed into a guest house (…). Appartement included. €2,990,000
Lille serait donc devenu une destination possible pour de riches investisseurs internationaux ? Ces 0,01% qui peuvent faire autre que rêver en consultant les annonces immobilières d’un appartement parisien, d’un manoir dans le Kent ou d’une résidence secondaire en Caroline du Sud.
Sauf que n’est pas Paradise Island - Bahamas ou Lavender Hours - Fulham qui veut. Vous aurez peut-être repéré comme moi non seulement l’affiche publicitaire qui cache une partie de la façade mais aussi les trois voitures, trop communes pour faire croire à un quartier Upper middle class. C’est à ce genre de détails qu’on voit la distance qu’il reste à parcourir pour que Lille puisse se prétendre ville-monde, quand bien même le Brexit rebat quelques cartes.
Les vélos en libre service en Chine
mardi 18 avril 2017 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackVisiblement les systèmes de vélos partagés se sont envolés en Chine - ou au moins à Shanghai : plusieurs marques en compétition, des vélos disponibles sans borne, des cadres divers et variés, etc. Le récit de Project Gus est très instructif. Et je ne résiste pas à vous mettre quelques photos (je vous laisse trouver la plus "publicitaire", elle est sans lien 8-)
Visiblement les chinois ont le choix entre Mobike, Ofo, Bluegogo ou U Bike, entre autres. On est loin des turpitudes du vélib parisien. Même si les piles de vélos qui s'entassent ne sont pas au goût de tout le monde !
Attacher ses vélos quand on habite en ville, le cas lillois
lundi 19 décembre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackLa Ville de Lille étend peu à peu son initiative vélo en dehors du centre ville. La semaine dernière des agents ont ainsi installé des arceaux vélos sur l'avenue de Bretagne, pas très loin d'Euratechnologies.
Je me suis demandé brièvement pourquoi ces nouveaux arceaux avaient été placé si loin des entrées d'Euratechnologies : il n'y a aucun commerce à proximité immédiate. Et pourtant, de l'autre côté de la rue, il y avait un vélo accroché à un poteau de signalisation routière... Faut croire que le besoin est là.
J'ai donc changé mes lunettes et je suis allé en quête de ces systèmes bricolés par les particuliers pour éviter de traverser toute la maison avec un vélo tout sale... Et c'est une pêche très fructueuse que je vous propose (tout ça dans les 5 minutes à pied autour de mon domicile).
Des anneaux scellés dans le mur, des arceaux dans la terrasse, des portes vélos dans le jardinet, etc. Visiblement la demande est bien là : vivement que les mairies en tiennent compte, et que le gouvernement fasse aussi son boulot.
En période de transition, l'ère des entrepreneurs ou le moment des entreprenants ?
lundi 21 novembre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackDonc nous serions à l'âge des entrepreneurs : ce sont eux qui nous font rêver (Steve Jobs pour ses vélos pour l'esprit, Elon Musk avec ses voitures, Serguei Brin aves ses voitures aussi, Travis Kalanick avec ses voitures encore). Ce sont eux qui drainent les talents vers la Silicon Valley. Eux encore qui portent une vision pour demain : grâce à leurs idées, ils nous font entrer dans l'Âge des Entrepreneurs. Cette époque où les VCs auraient perdu de leur superbe : avec un coût de création d'une entreprise proche de zéro comme celui de l'obtention d'une validation sur le marché, l'équilibre du pouvoir s'est déplacé pour de bon. Ce n'est plus une question d'investisseurs qu'ils soient issus d'un fond (VCs), informels (angels) ou providentiels ("Super Angels"). Les règles ont changé et nous avons un nouveau roi. Comprendre "l'entrepreneur".
Et pourtant, toujours en Californie, les recettes fiscales grâce à l'impôt sur le revenu ont légèrement augmenté, mais les collectes sur les taxes de ventes et sur les entreprises sont à la traîne d'un montant combiné d'environ 210 million de dollars. L'article du Los Angeles Times annonce au passage que des coupes risquent de se produire dans le système éducatif : les élèves pourraient perdre 7 jours de cours dans certains districts.
Bien sûr, les entrepreneurs d'ici et d'ailleurs se bougent, ils ont la "gnaque". D'ailleurs certains ont une solution à ce problème précis, elle s'appelle Espérance banlieues : des écoles implantés dans des quartiers difficiles, hors contrat, peu chères (la somme relativement modique de 750 euros / an) et issues d'un réseau traditionaliste et ultra-libérale où l'on peut trouver des anciens des Frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, des donations privées issus de la fondation Bettencourt-Schueller ou de la famille Mulliez, le tout cornaqué par Éric Mestrallet, chef d'une entreprise désormais en liquidation.
Bref la société entrepreneuriale serait devant nous. En espérant quand même que ces entrepreneurs aient le temps : car certes ils travaillent plus que leurs salariés; mais pas tant que ça non plus, moins que leurs cadres en tout cas. Et pourtant ça ne suffit pas : élaborer une stratégique est un exercice difficile pour beaucoup d’entre eux par manque de temps, d’outils et de recul sur leur entreprise, leur marché, leur environnement est une ritournelle qu'on entend souvent (au moins chez les conseilleurs patentés). Et on voudrait leur donner notre feu vert pour penser la société entière à 8 ou 15 ans ?
Bien sûr, on sent bien que ça craque de tous les côtés : Trump & Brexit sont les symptômes récents d'un changement de paradigme. Alors pendant que certains réfléchissent pour de vrai à un nouveau pacte social à moyen terme et que d'autres préfèrent payer des think-tanks, des citoyens se prennent par la main avec d'autres armes : avec des pinceaux, ils tracent les pistes cyclables dont ils ont besoin sur les routes de leur quartier et dans leurs villes; avec des graines ils s'inventent apprentis jardiniers, adeptes de la guérilla jardinière & potagère ou des incroyables comestibles d'ici ou d'ailleurs. Et que dire des urbanistes citoyens de Strong Towns ou de l'APU de Fives. Et aussi des créateurs de monnaie ou de pound. Ce sont les mille fleurs qui doivent éclore avant de refaire société comme l'a si bien montré le film Demain... Aussi pourrions-nous plus modestement appeler ce moment, celui des entreprenants ?
Quelques pistes de réflexion complémentaires sur la "Comment la France a tué ses villes"
vendredi 28 octobre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: 2 commentaires :: aucun trackbackMonsieur Olivier Razemon,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre dernier ouvrage : Comment la France a tué ses villes. Je profite donc que vous soyez encore en vie - ce qui n'est plus le cas de Jane Jacobs - pour ajouter quelques remarques à cet ouvrage remarquable.
Pourquoi parler de cette américaine naturalisée canadienne morte en 2006 ? Outre le fait qu'elle a largement stimulé mes réflexions récentes sur l'économie de ville, j'ai l'impression qu'elle transparaît aussi en creux dans votre ouvrage. Ainsi dans un chapitre intitulé Mobilité piétonne universelle, vous attribuez à Frédéric Héran le résumé Les yeux de la rue. Comment oublier qu'il s'agit là d'une de ses remarques les plus fécondes (en particulier dans son livre Déclin et survie des grandes villes américaines). Tellement emblématique même que c'est devenu le titre d'une de ses biographies. J'en profite donc pour mettre la citation au complet (elle date de 1961) :
Il faut remplir trois conditions pour qu'une rue puisse accueillir dans de bonnes conditions des étrangers au quartier et être en leur absence un endroit où règne la sécurité, comme c'est le cas dans les quartiers des grandes villes qui fonctionnent bien.
Premièrement, le domaine public et le domaine privé doivent être clairement départagés. Il ne doit pas y avoir d'interpénétration entre les deux comme cela arrive si souvent dans un tissu de banlieue ou dans les grands ensembles.
Deuxièmement, il doit y avoir des yeux dans la rue, les yeux de ceux que nous pourrions appeler les propriétaires naturels de la rue. C'est pourquoi les façades des immeubles d'une rue destinée à accueillir des étrangers au quartier et à assurer leur sécurité en même temps que celle de ses habitants doivent obligatoirement comporter des ouvertures donnant sur cette rue. Ces façades ne doivent pas être aveugles et présenter des murs sans fenêtres.
Troisièmement, la rue doit être fréquentée de façon quasi-continue, à la fois pour augmenter le nombre des yeux en question, et pour inciter les occupants des immeubles riverains à observer les trottoirs en grand nombre. Peu nombreux en effet sont les gens qui se livrent à l'exercice qui consiste à s'asseoir sur un perron ou regarder par la fenêtre pour contempler une rue vide de passants. Alors qu'énormément de gens se distraient à bon compte en observant de temps à autre ce qui se passe dans la rue.
Je vous invite au passage à lire - si ce n'est pas déjà fait - l'ensemble de son oeuvre. Et au passage, un autre de ses apports - peut-être plus indirect - aura été la création de ses fameuses balades urbaines que vous racontez dans le chapitre La force du diagnostic : ces visites architecturo-urbanistiques ont d'ailleurs pris le nom de Promenades de Jane un peu partout sur la planète.
Toujours outre-atlantique, probablement parce que la dégradation des villes y est plus forte encore, je vous invite à découvrir les travaux de l'association Strong Towns. Il s'agit un média américain associatif qui suit une approche intéressante :
- s'appuyer sur les investissements petits et incrémentaux (plutôt que des dispendieux projets de transformation radicale)
- mettre en avant la résiliance des résultats (plutôt que l'efficacité de l'exécution)
- permettre l'adaptation grâce au feedback des utilisateurs
- s'inspirer d'une action "bas-vers-le-haut" (chaotique mais astucieuse) plutôt que "haut-vers-le-bas" (ordonnée mais stupide)
- tenter d'animer la vie le plus proche possible d'une échelle humaine
- être obsessionnel sur la comptabilité pour les recettes, les dépenses, les actifs et surtout le passif à long terme (faire tous les calculs).
Le dernier point est tout à fait crucial dans leur démarche et permet d'établir des diagnostics plus sévères encore, en particulier sur le coût réel de l'entretien des routes. On comprend alors pourquoi une de leur campagne du moment s'appelle No New Roads et pourquoi nos géants de la grande distribution attendent toujours que le nouveau rond-point soit en place pour s'installer. Ou comment la jolie impasse qui mène au coeur d'un lotissement construit dans les années 1980 présentera 40 années plus tard des trous, des bosses et autres nids de poule : tout nouveau ménage s'installant dans cette douzaine de maisons devrait payer chaque année 21 euros supplémentaires (par rapport aux autres habitants de la ville) pour entretenir ce bout d'impasse "privatif"; à moins qu'un peu de dette soit passée par là et qu'on décale le problème de quelques années encore ou qu'on fasse payer l'addition aux autres habitants.
Parallèlement le Congress for the New Urbanism (CNU) - une autre association pluridisciplinaire (on y trouve des urbanistes, des architectes, des artistes, des artisans, des activistes, etc.) - dresse de son côté un portrait régulier des périphériques et autoroutes "sans futur" : la Nouvelle-Orléans, Syracuse New York City, Toronto, Buffalo, Rochester New York, St. Louis, San Francisco, Detroit ou Long Beach sont dans leurs radars depuis 2014. Son pendant en France, membre du "Conseil Européen des Urbanistes (ECTP-CEU)", la Société Française des Urbanistes, est réservé aux professionnels expérimentés dans la planification urbaine, la composition et l’application des plans d’aménagement de territoires et d’urbanisme. On est encore loin d'une société civile épanouie.
Dernier point, grâce aux travaux d'Hélène Yildiz et de Sandrine Heitz-Spahn (de l'Université de Lorraine), on découvre des corrélations entre civisme local et achat en centre-ville : plus un individu est investi au sein de sa commune, plus il privilégie les commerces en centre-ville. Si on considère que les monnaies locales complémentaires - désormais citoyennes - sont un marqueur possible d'un attachement civique à son territoire, on comprend peut-être mieux le pari d'un ville comme Boulogne-sur-Mer avec ses bou-sols. Bref j'ai l'impression qu'il y a entre démocratie et urbanité des liens à creuser : peut-être pour un prochain ouvrage ?
En tout cas un grand merci pour cette lecture stimulante et passionnante : les commentaires pas toujours bienveillants sous vos billets traitant de ces sujets montrent à quel point le travail pédagogique est loin, très loin, d'être arrivé à son terme.
Et si par défaut on ajoutait la piste cyclable
mardi 4 octobre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackLe quartier d'Euratechnologies continue de vivre des mutations. Parmi les dernières en date, des rues (comme la rue Copernic) qui sont passées en sens unique.
D'une voie dans laquelle les voitures se croisaient plus ou moins facilement, on est arrivé à une rue large où il y a largement la place d'ajouter la piste cyclable à contre-sens. Et d'autant plus que le prolongement de cette rue - la rue des Templiers - a déjà son contre-sens pour cyclistes...
Il faut pourtant avouer que ce ne sont pas les vélos qui manquent à Euratechnologies : le matin vers 9h10, il n'y a plus de places sur les anneaux les plus proches de l'entrée et la zone V'lille est saturée.
J'ai imaginé que les peintres en sol n'avaient dans leur camionnette que du blanc le jour J. Mais non, il y avait aussi du bleu pour les places handicapées. A quand de la peinture verte par défaut ?
Détour aux établissements Deloffre
jeudi 22 octobre 2015 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackbackA Lille, entre les travaux à venir à la CCI et ceux déjà entamés de la Poste voisine, il reste encore une boutique sans âge : les établissements Deloffre, spécialiste du porte-mine, du stylo plume et du carnet de voyage. Avec Peggy, nous y avons pris un plaisir sans nom en choisissant l'un et l'autre un stylo plume : un Lamy pour elle, un Kaweco pour moi. Une heure à écouter un passionné nous parler de la qualité de ses produits (allemands ou japonais pour la plupart), des plumes, des encres, des aciers et des conduits dans un tout petit espace de rien du tout avec des boiseries anciennes, un comptoir rétro et un gros matou. Bien sûr on regrettera avec lui la disparition des marques françaises et on partagera à travers lui les visites des usines et entrepôts des fournisseurs. On se félicitera surtout qu'une telle échoppe puisse encore exister. Enfin on croisera les doigts pour les projets immobiliers avoisinants n'y mettent pas un terme prématuré : l'esprit lillois en prendrait un sacré coup.