Huit bouquins lus, la vingtième-et-unième vague

lundi 17 septembre 2018 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Tokyo Vice de Jake Adelstein
    Loin des images d’Épinal d’un Japon à la politesse légendaire et à la ponctualité éclatante, Jake Adelstein, juif américain devenu journaliste pour le plus grand quotidien nippon, enquête sur la mafia locale (les fameux yakusas), la corruption, le trafic d’êtres humains. En côtoyant flics et hôtesses, petites frappes et caïds ambitieux, il nous offre un portrait décapant du Japon contemporain, loin, très loin, des cerisiers en fleurs. livres.onpk.net
  2. Des souris et des hommes de John Steinbeck
    Vu qu’il est devenu difficile de suivre sereinement ce qu’il se passe aux États-Unis d’Amérique, je me suis replongé dans un de ces classiques de lycée. J’y ai retrouvé l’histoire dramatique de George et Lennie, le petit - vif et futé - et le grand - fort et innocent. Une histoire brute, sans fioritures, probablement le reflet de ce que je perçois outre-atlantique : un mélange de candeur et d’âpreté, d’animalité et d’idéal. livres.onpk.net
  3. Solutions sociales de Jean-Baptiste Godin
    Les critiques contemporains (vers 1871-1872 donc) de l’œuvre écrite par Jean-Baptiste Godin en ont largement décrié les fantaisies théoriques (comme sa traque de la « Loi Suprême de la Vie » - conservation, développement et équilibre - dans les trois sections du cerveau). Il serait cependant injuste de s’arrêter là. La première partie, largement autobiographique, et la dernière, une longue description du Familistère de Guise, sont un très beau témoignage de l’esprit socialiste de son temps. Car cet entrepreneur exceptionnel aura cherché sans relâche des équivalents de la richesse pour une population ouvrière miséreuse. Les poêles de nos grands-parents et le génie de notre Henri Ford local (avec esprit fouriériste et maints dépôts de brevets) auront permis tout cela et bien plus encore : si l’entreprise versent les salaires (pour le travail), les primes (pour la direction) et les intérêts (pour le capital), elle peut aussi répartir les bénéfices autrement qu’en simple dividende à ses actionnaires. Apparaissent logements sains, aérés et lumineux (avec le nombre d’étages nécessaire pour faire pâlir d’envie Boucle d’Or, ni trop, ni trop peu), service de garde pour les nouveaux-nés 24h/24, piscine chauffée commune, 1er mai chômée (avant la publication officielle de la fête du travail), écoles gratuites à la pédagogie innovante (à commencer par celle de Marie Pape Carpentier, presque 40 années avant Maria Montessori : la méthode naturelle n’exige des maîtres qu’une application sincère de l’esprit à l’observation des faits journaliers). Je m’arrête là tout en vous suggérant une visite dans l’Aisne. livres.onpk.net
  4. Hedge - A Greater Safety Net for the Entrepreneurial Age de Nicolas Colin
    J’ai déjà pas mal parlé de ce livre dans un billet précédent, en y louant la richesse documentaire et certains idées à contre-courant. Depuis son auteur a pris ses quartiers chez Forbes, toujours pour prêcher des vues européennes sur les terres américaines. livres.onpk.net
  5. The Machine that changed the World de James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos
    Revenir aux sources du « lean » et retrouver les premiers cailloux blancs de mes propres lectures et expérimentations : c’était l’idée derrière cette lecture presque trente ans après sa publication originelle. Depuis Toyota s’est installé temporairement aux commandes du marché mondiale de l’automobile (donnant quitus aux auteurs pour la qualité de leur postulat, i.e. que le lean était bien là pour remplacer la fabrication de masse telle que Ford ou General Motors l’avaient pratiquée), Nissan s’est laissé croqué par Renault (une opération tout à fait inattendue) et les grands constructeurs américains sont passés tout près de la faillite. La communauté française du lean quant à elle continue de se poser majoritairement des questions liées à la production. Alors même que The Machine n’y consacre finalement qu’un chapitre, il y en a quatre autres pour couvrir la conception d’un nouveau véhicule, la coordination avec les sous-traitants, la relation avec les clients et enfin la gestion d’une telle entreprise. J’en viens presqu’à me dire que les 25 années nécessaires à l’installation du modèle de la production de masse en Europe (de Sloane prenant la tête de GM en 1925 à la mise en route de Renault-Flins au début des 30 glorieuses) nous paraîtrons probablement comme très rapide. livres.onpk.net
  6. Dire non ne suffit plus de Naomi Klein
    Trump est passé par là. En attendant que le météorite explose en vol, Naomi Klein prend la plume pour pousser à l’avènement d’un programme véritablement intersectionnel, seul capable d’après elle de contrecarrer l’extractivisme néo-libéral. Elle insiste en particulier sur ces Indiens qui n’iront pas dans les étoiles et qui par leur enracinement luttent depuis leurs terres et pour leurs terres. Un ré-ancrage ultra-local qui fait écho aux villes ayant fait le choix de la transition radicale à leur échelle (Barcelone, Pontevedra ou Loos-en-Gohelle pour ne citer que quelques exemples emblématiques). livres.onpk.net
  7. Au château d’Argol de Julien Gracq
    Sans être un roman de médiéval fantastique, l’histoire d’Albert, Herminien et Heide m’a plongé dans ce que j’imagine être l’univers des elfes. La lande bretonne et son château d’un autre âge sont le prétexte pour de somptueuses descriptions qui diffractent les relations entre les personnages. L’atmosphère est toujours évanescente, comme derrière un rideau translucide, à un point tel que j’ai dû relire certains passages pour tenter comprendre ce qui venait de se passer (et que je ne partage pas tout à fait les interprétations présentes sur Wikipedia). Les elfes ont ceci de particulier que j’ai du mal à les suivre dans leurs pensées, bêtement humain que je suis. Julien Gracq aura réussi le tour de force de me les prendre presque palpables. livres.onpk.net
  8. Exit, voice, loyalty : défection et prise de parole de Albert O. Hirschman
    Titiller par une référence de bas de page dans le dernier opus de Nicolas Colin (cf. supra), j’ai pris et lu ce livre sans trop savoir à quoi m’attendre. Il s’agit donc d’une réflexion sur les processus qui s’enclenchent au sein d’une organisation quand la qualité décline et que ses produits perdent de la valeur. Un angle mort laissé en jachère par l’ensemble des business books qui se concentrent sur la croissance - plus ou moins miraculeuse - promise par leurs stratégies toute prêtes ou leurs méthodes révolutionnaires. La récente démission d’un ministre d’État en donne un exemple éloquent ces jours-ci. Reste à savoir si dans le cas présent, la concurrence peut apporter une réponse adéquate. Dans le cas contraire, cela restera une action d’éclat pour rien. Ainsi en va-t-il du pouvoir relatif d’une défection dans un marché pseudo-monopolistique. livres.onpk.net