De la virtualité du système politique aux USA
vendredi 16 octobre 2020 :: perrick :: Connexe(s) :: aucun commentaire :: aucun trackbackRarement l’écoute d’un podcast, en l'occurence un épisode des « Venture Stories » History Has Begun with Bruno Maçães, n’avait autant secoué mes quelques neurones de plouc en province : et si la virtualité du système politique états-uniens n’était pas un bogue, mais une fonctionnalité. C’est la thèse pour le moins originale de Bruno Maçães, un homme politique portugais aussi à l’aise sur les routes de la Soie que dans la Silicon Valley. Je le connaissais un peu pour ses essais sur la Chine et il revient avec un livre - que je n’ai pas encore lu - sur l’Amérique du XXIe siècle : History Has Begun. Pour (mal) résumer une phrase sa pensée, la virtualité permet d’aller plus loin dans les expériences de chacun. On peut jouer à se faire peur avec un dictateur fasciste comme Trump ou profiter de Twitter pour plonger dans une pseudo-révolution « woke », mais sans les coups et ni les blessures. Au passage, cette virtualité permet aussi de s’affranchir du libéralisme (avec son cortège de contraintes universalisantes) pour construire ses histoires et les partager à son petit monde, sans être rattraper par une réalité bien trop terre à terre.
Bien sûr en quittant le monde des faits partagés, les communautés américaines s’approchent dangereusement de l’attracteur « hors-sol » si cher à Bruno Latour. Un deuxième contre-point à cette théorie politique (que Bruno Maçães accepte donc comme falsifiable, puisqu’il est surtout chercheur en sciences politiques) se loge dans le travail d’enquête que Paul Jorion effectue depuis son Morbihan d’adoption sur son pays de coeur. Avec un long passage en Californie, une expérience de psychanalyste et un bagage d’anthropologue, il propose une analyse circonstanciée de la « météorite Trump » : entre kompromat russe, haute trahison et sédition sudiste, il détecte un véritable proto-fascisme dans ce personnage de télé-réalité à l’ego hypertrophié et au charisme certain.
Entre ces visions et constructions intellectuelles aussi opposées qu’argumentées, les élections du 3 novembre 2020 devraient permettre d’y voir un peu plus clair : la réalité pourrait finir par rattraper l’une ou l’autre. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut s’attendre à un dénouement en théorie politique à si brève échéance…