Huit bouquins lus, la vingt-cinquième vague

lundi 30 septembre 2019 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. La France des territoires, défis et promesses par Pierre Veltz
    J’avais découvert l’auteur lors de sa campagne de promotion de son précédent ouvrage La société hyper-industrielle. Et je m’étais mis en tête de lire les suivants : loin d’appuyer sur les fractures de l’archipel français ou sur ses périphéries déchirées, il invite au changement de focal et à la complémentarité. Ainsi vue de Chine, la France avec ses 60 millions d’habitants se situerait quelque part entre l’agglomération de Shanghai (70 millions) et celle de Canton (50 millions avec les autres villes de la mégalopole du delta de la rivière des Perles) et bénéficie d’un réseau de transport en commun fiable qu’on appelle aussi le TGV. Quant à sa complémentarité elle peut s’exprimer par des écarts que la métropolisation n’exprime pas : Vitré ou Figeac ont vu des croissances d’emploi plus importants que Lille ou Nice (en pourcentage) alors que les électeurs du FN sont surtout présents dans les grandes villes (en valeur absolue). Reste à faire émerger le « produit-système » que la convergence locale et écologie implique et les nouveaux territoires qui peuvent les porter. livres.onpk.net
  2. Workplace Management par Taiichi Ohno
    Explorer le Lean par ses racines, un autre biais pour continuer mon exploration. A travers cette collection de mini-chapitres (38 au total), c’est toute la pensée managériale qui transparait : elle commence par démonter le fameux « bon sens », celui qui nous fait croire que le Lean ne serait que son application, quand bien même tous ceux qui le pratiquent évoquent ce changement radical qu’il faut faire sur soi-même. Le Gemba l’impose : il ne se plie que rarement à nos désirs, il n’est jamais acquis et présente toujours de nouvelles frictions. Un contexte transparaît aussi de l’ouvrage : le marché automobile japonais est saturé, il faut désormais apprendre à faire du profit sans passer par la case de la croissance facile d’un marché en expansion. Ne plus produire les voitures qu’on ne vendra pas, augmenter drastiquement la productivité et continuer à apprendre (même quand c’est une usine du Brésil qui maîtrise le mieux les contraintes d’une grande variabilité des pièces sur un petit volume). On en est loin dans le monde du numérique actuel où l’on se bat aussi (surtout ?) sur le montant des levées de fond et avec le super-argent. Toutes ces leçons peuvent encore attendre dans les livres qu’une nouvelle génération les explore. livres.onpk.net
  3. Plateform Scale par Sangeet Paul Choudary
    Dans le cadre du projet CMIS (Crédit Mutuel Inter-professionnel Systémique, ou chambre de compensation B2B sur la métropole de Lille), je m’attelle pour la première fois à un business-model de type « plateforme à deux faces ». Et comme c’est devenu un classique il y a bien longtemps (de CraigList à Uber, du Bon Coin à Blablacar), j’ai pioché un peu au hasard ce livre dans la littérature disponible sur le sujet. J’y ai découvert ce que je cherchais, c’est-à-dire un cadre théorique pour aller un peu plus vite et débroussailler un chemin possible pour aller au delà de la recherche simpliste de l’effet réseau (quand bien même il est évidemment le premier à creuser) mais surtout pour casser le dilemme de la poule et de l’oeuf. Reste à transformer l’acceptation du projet dans l’incubateur Fintech d’Euratechnologies en réussite pour l’écosystème économique local. Mais ça, c’est une autre histoire… livres.onpk.net
  4. Les furtifs par Alain Damasio
    Lire le dernier Damasio, c’est d’abord retrouver le travail de la langue et du verbe. Et de la typographie cette fois. Comme dans son formidable La horde du Contre-vent, chaque personnage s’exprime (et donc se lit) à travers une forme qui lui est propre, fruit de son histoire et de son tempérament. L’intrigue quant à elle nous plonge dans une France des années 2040 qui, sous le joug de multi-nationales toutes puissantes ou presque, laisse un escadron d’élites traquer des « furtifs », une espèce vivante, de chair et de sons, qui semblent se jouter des sens et de la technologie des humains. Comme toute bonne science-fiction, elle parle d’abord de notre présent (et l’auteur ne s’en cache pas du tout, au contraire). Et parfois le présent finit par rattraper l’anticipation : la disparition de Steve à Nantes prenant de cours la hantise du décès chez les forces de l’ordre sous le commandement du Ministre Gorner. Reste, encore et toujours, à « aller fracturer la croûte terrestre, là où c’est un peu fragile, un peu ouvert, et tirer avec nos bras dans la fissure pour faire sortir du magma en douce… »  livres.onpk.net
  5. The Entrepreneurial State: Debunking Public vs. Private Sector Myths par Mariana Mazzucato
    Quelle erreur d’avoir commencé l’oeuvre de Mariana Mazzucato par The Value of Everything. Celui-ci est autrement plus accessible et stimulant. En explorant en détail l’impact déterminant des financements publics sur toutes les technologies de l’iPhone, elle démonte la vulgate qui voudrait 1) que l’État soit un frein à l’innovation et 2) qu’il ne soit même pas capable d’accompagner des sociétés vers le succès. Au passage elle propose enfin des pistes pour socialiser les bénéfices - parfois astronomiques - des sociétés privées sous la forme de royalties ou celle de prêts & garanties liés au résultat (pas si éloignés des « success fees » des juristes). Pas certain que ce soit suffisant dans l’état actuel du capital-risque mais c’est toujours bon à avoir sous le coude au moment où Euratechnologies annonce son propre fond. livres.onpk.net
  6.  Antifragile par Nassim Nicholas Taleb
    Derrière un mot - antifragile donc - Nassim Nicholas Taleb propose une véritable philosophie de la vie : éviter le confort lisse d’une vie sous contrôle et chercher la volatilité qui permet à cette vie de croître et de se régénérer. Véritable franc-tireur (il se permet de critiquer ad-hominem certains économistes en vue et d’autres universitaires bon teint), il distille son érudition protéiforme à travers plus de 400 pages très vivantes entre anecdotes personnelles, aphorismes antiques et lectures savantes. Et ce sont l’économie, la médecine, l’architecture ou la technologie qui passent à la moulinette de son détecteur à bullsh*** avec Thalès de Millet comme totem (ça nous change du récurrent Platon v. Aristote). Et des options, toujours des options, pour tirer le maximum de profit de ce que la vie peut nous apporter. livres.onpk.net
  7. Chronic City par Jonathan Lethem
    Les éditions de l’Olivier sont une des très rares maisons d’édition qui a toute ma confiance : je peux prendre un de leurs livres sans même lire la quatrième de couverture. Le volume de Jonathan Lethem, je l’ai débusqué dans une ancienne cabine téléphonique de Lechiagat devenue boîte à livres. On y suit une vieille vedette de cinéma : enfant-star, Chase Insteadman vit désormais de ses rentes entre paillettes people et désoeuvrement personnel, au coeur de la faune new-yorkaise. Quand il croise Perkus Tooth, un critique rock aux affiches underground placardées il y a bien longtemps, sa vie dérive peu à peu. Et le livre nous entraîne un peu plus loin que la réalité, tellement doucement qu’un univers étrange s’est déjà bien installé quand la neige continue de tomber drue au mois de mars. Un régal pour replonger dans l’atmosphère de Manhattan que j’avais senti en juin pour la première fois. livres.onpk.net
  8. Je suis breton mais je me soigne par Yann Lukas
    Avec une famille maternelle qui répond au nom de Boulic, il est bien difficile de cacher une part bretonne; d’autant plus qu’il n’aura échappé à personne que mon prénom est de la même origine. De tous mes étés dans le Finistère nord, il reste bien sûr le parfum iodé du vent, les crevettes dans l’épuisette et les grains de sable dans le maillot de bain. Un slogan aussi, longtemps collé sur les voitures du quartier de mes grands-parents, « Pas de Bretagne sans Loire-Atlantique ». Une poignée de recettes (Kig ha Farz) et quelques mots (Ma Doué ou Kenavo). Et pour la langue des mes aïeux, elle ne se maintiendra dans la famille que si le cousin (parmi les 11 petits-enfants) qui la parle encore, fruit de sa complicité avec mon grand-père, la transmet à ses enfants. Il faut dire que je ne me sens pas breton : si j’ai goûté à mon premier Kouign-amann, ce fut à 16 ans grâce à des parisiens; si j’ai chanté l’Angélus breton lors de mon mariage, ce fut en français et en latin; si j’ai dansé mes premiers « Andro » et « Hanter dro » dès 12 ans au Cercle des Bretons du Nord, à 42 ans je n’ai pas encore participé à un fest-noz en Bretagne. Je suis un breton folklorique. Et pourtant si cette âme n’est pas la mienne, bravo à eux pour le label Produit en Bretagne et pour leur terre si douce en été, quand la finance mondialisée sera sur le point d’achever le climat, ils auront peut-être entre leurs mains une terre hospitalière, même au coeur du mois de juillet. livres.onpk.net

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