Venise 1500, une autre relecture
vendredi 11 mai 2012 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackbackA l'heure où Hollande prévoit peut-être encore de passer des contrats « un jeune - un vieux » (la proposition 33 : Je proposerai un contrat de génération), d'autres s'y sont déjà risqués avant lui. En particulier la Sérenissime : «une loi de 1402 prévoit l'embauche sur chaque chantier important d'un vieux maître à la retraite dans le but « de donner aux autres la possibilité d'apprendre le métier». On voit là à quel point les veilles marmites peuvent encore servir à faire de bonnes soupes.
J'ai trouvé dans Venise 1500 un autre fait intéressant pour les fans de la logistique : dès le XVIème siècle, les vénitiens ont adopté «un système de numérotation de tout le matériel à charger et des galères elles-mêmes, de manière à faire converger des ateliers de production vers les magasins prévus à cet effet […] tout ce qui appartenait à la même galère». Un système que les contemporains admireront très vite «le dispositif […] se déplace en ces lieux […] avec tant d'aisance et de bonheur qu'on n'en peut croire ses yeux». Ce dispositif aussi ingénieux soit-il entrainera déjà son lot de réticences, de conflits et de résistances des ouvriers et de leurs corporations.
Un autre article très intéressant dans cet ouvrage retrace l'histoire de l'imprimerie à Venise vraisemblablement à partir de 1469. Pour rattraper son retard, la cité-république fait d'abord appel à des étrangers : un premier monopole est octroyé à Johannes de Spire (trouver son origine). Il meurt très vite et la deuxième vague arrive. Quatre nouveaux imprimeurs existent dès 1471 : sauf que la jeune industrie traverse crise sur crise. Le marché est tout petit (un livre vaut un mois de salaire d'un artisan) et les besoins en capitaux sont importants. Re-crise en 1474 : de 12 imprimeurs, on passe à 3. Re-bond en 1476 : une douzaine apparaissent. Puis une dizaine l'année suivante... C'est le temps des capitaux qui affluent de Florence, de Brescia, de Francfort, de Cologne, etc. On invente même le livre des livres à vendre ! Re-re-crise en 1478 avec la peste noire qui met tout le monde au tapis. C'est aussi le temps des consolidations d'entreprises fragiles et sous-capitalisées. La bascule définitive commencera dans les années 1480 : les volumes augmentent (entre autres grâce aux manuels universitaires « obligatoires » ), les prix baissent (jusqu'à 80% en 4 ans), des pseudo-monopoles s'installent (Venise détient 65% du marché des livres de droit en Europe avant 1500). Et les innovations s'enchaînent : des illustrations viennent compléter les ouvrages, la musique s'imprime avec l'invention des notes sur une portée (pour les livres de messe), d'autres alphabets permettent de viser l'export, etc. Jusqu'au Songe de Poliphile qui marquera le triomphe absolu de la culture vénitienne avec son langage précieux, sa typographie admirable et ses illustrations maniérées : la censure veille, le public adore.
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