Des livres, septième série

vendredi 10 avril 2015 :: perrick :: Livres :: 2 commentaires :: aucun trackback

Septième vague de huit bouquins lus.

  1. Sieyès, la clé de la Révolution française, de Jean-Denis Bredin
    Après l'éclairage de la Révolution française via les expériences américaines et européennes, cette riche biographie donne un angle original à cette période troublée. Celui d'un homme qui déclenchera à la fois la fin de la royauté et le début de l'empire. L'Abbé Sieyès fera une carrière politique hachée par les changements de régime incessants, par les aller-retour entre un Paris tumultueux et une campagne apaisante, par une santé frêle et un véritable orgueil, par une vision lucide du Tiers-État en 1789 et une soif de reconnaissance enfin cajolée puis délicieusement achetée par un Bonaparte dévorant d'ambition dès 1799. livres.onpk.net
  2. Bataille acidulée contre sa leucémie, d'Hélène de Francqueville
    Hélène est une amie d'enfance que je croise épisodiquement et j'ai eu le bonheur de croiser son fils quelques temps après la fin de son témoignage. Reste que l'histoire de cette bataille avec une leucémie aiguë est très touchante : tant de force et de courage pour accompagner un enfant dans des moments aussi difficiles et ces touches de légèreté, de fraternité, de convivialité aussi. Une belle preuve d'espoir. livres.onpk.net
  3. Les usurpateurs, de Susan George
    On s'occupe de tout, tel est l'injonction rassurante des entreprises trans-nationales avec les gouvernants. Susan George, chercheuse - militante bien connue d'Attac et de Nouvelle Donne, lève le voile sur cette rengaine néo-libérale qui voudrait profiter du TTIP / TAFTA pour plus de laisser-faire et de laisser-passer. A force d'exemples précis et de mises en lumière datées, la cohérence prédatrice de ces entreprises trans-nationales et de leurs lobbies apparaît au grand jour. Et si les seuls qui peuvent effectivement signer sont les politiques, ce sont véritablement les citoyens qui doivent être des plus vigilants : toujours plus faciles à lire qu'à faire. Les sceptiques paresseux regarderont peut-être Enquête sur les lobbies de la pêche industrielle de l'association Bloom, pour un cas d'école à l'échelon européen. livres.onpk.net
  4. L'entreprise, point aveugle du savoir, sous la direction de Blanche Segrestin, Baudoin Roger et Stéphane Vernac
    Visiblement pas grand monde ne sait ce qu'est une "entreprise". Elle ne résume pas à la "société", encore moins à ses "actionnaires". Les auteurs de cet ouvrage collectif en profitent pour livrer des analyses très diverses afin de mieux appréhender cette forme sociale particulière. Dans ce foisonnement, j'ai découvert deux structures tout à fait originales. Tout d'abord l'entreprise Carl Zeiss, elle est créé initialement en 1846 et se réorganise de manière tout à fait original autour de la fondation Carl-Zeiss-Stiftung en 1891 : cette structuration - encore originale - ne l'aura pas empêché d'atteindre 25 000 salariés et 4,3 milliards de CA. Ensuite le cas de l'ITRS, cette structure hybride, financée par plus de 900 industriels, a pour vocation de cartographier l'inconnu dans le domaine des semi-conducteurs : elle produit chaque année un ensemble de documents de prospective et d'évaluation des technologies de rupture. Puis ce travail est mise à la disposition des tous les acteurs - sans considérations commerciales - pour qu'ils puissent coordonner leur effort de R&D. livres.onpk.net
  5. Le mystère français, de Hervé Le Bras et Emmanuel Todd
    Cet essai anthropologique est tout à fait lumineux : à partir de cartes récentes, il explique - entre autres - les tensions politiques récentes grâce les tréfonds historiques de notre nation (déchristianisation précoce, famille nucléaire, habitat dispersé). A cet égard, la notion de "catholicisme zombie" y particulièrement féconde. Et la récente victoire étriquée du PS dans le Doubs marque une nouvelle étape dans la mutation du FN (d'un parti "anti-immigration" à un parti "peur du déclassement"). livres.onpk.net
  6. La montée en puissance de la Chine et la logique de la stratégie, de Edward N. Luttwak
    Dommage que la traduction nuise aux propos : la recherche documentaire de ce livre est fouillée, l'analyse précise et les rappels historiques intéressants. Ainsi le mythe de la stratégie huan est dépoussiéré à l'aune des rivalités italiennes de la Renaissance. Par ailleurs le "droit" à la puissance - que les chinois s'auto-attribue - trouve un écho particulier avec l'Allemagne des années 1890. Reste que l'avenir nous dira si cette grande puissance réussira à contrecarrer ses élans impérialistes pour continuer sur une voix apaisée; puisque dans le cas contraire il lui restera le chemin de la force dominante (dans le meilleur des cas, en inspirant crainte et respect, ce qu'aura réussi les Etats-Unis depuis 1917 par exemple) ou de la force belliqueuse (dans le pire, en liguant contre elle tous ses voisins, ce qu'aura réussi l'Allemagne en 1914 ou la France un siècle plus tôt). livres.onpk.net
  7. A l'ombre des jeunes filles en fleur, de Marcel Proust
    Le gros pavé de cette vague : responsable à lui tout seul d'un mois de lecture avec cette prose si caractéristique, faite de tours, de détours et de retours. J'y ai aussi découvert un tas d'anglicisme que je n'imaginais pas chez un écrivain si français (et donc utilisant nénufar, fidèle à l'étymologie arabe) : elle était de ces femmes à qui c'est un si grand plaisir de serrer la main qu'on est reconnaissant à la civilisation d'avoir fait du shake-hand un acte permis entre jeunes gens et jeunes filles qui s'abordent. J'ai aussi découvert une utilisation du mot «énorme» que je pensais largement plus récente : préférer Racine à Victor, c'est quand même quelque chose d'énorme. livres.onpk.net
  8. L'illusion économique, de Emmanuel Todd
    Un livre économique qui reste valable pas loin de 20 ans plus tard : tel est le tour de force réussi par l'anthropologue. La clé d'explication qu'il met en lumière - les différents types familiaux - permet de déchiffrer les différences de capitalisme : la version anglo-saxonne, d'une part, avec l'attention portée sur le court terme et privilégiant la consommation sur la production, et d'autre part le capitalisme intégré, présentant les traits inverses et dominant en Allemagne, au Japon ou en Corée. Si cette thèse féconde reste centrale, l'ouvrage regorge de pépites. Après la constatation de la baisse du nombre de scientifiques produits par les universités outre-atlantiques, il écrit que le nouveau système technique défini par la numérisation informatique pourrait ouvrir une voie nouvelle de développement, non pas brillante, comme le suggèrent les fous de l'Internet et du téléphone portable, mais au contraire adaptée à la médiocrité intellectuelle de l'époque, à la stagnation du niveau culturel. Un peu plus loin, les lecteurs réguliers du GEAB y trouveront aussi du réconfort : La croissance des Etats-Unis, c'est l'émergence d'un nouveau type de puissance : une Amérique qui n'a plus la capacité de tirer le monde vers l'avant mais qui peut interdire à la planète d'oublier son existence. Et les déçus de la Troïka, en Grèce et ailleurs, puiseront de l'eau pour leur moulin : le retour progressif à l'aveuglement des années 30, avec cette ré-émergence des politiques de diminution de la dépense publique qui aggravent le retard structurel de la consommation, est un phénomène stupéfiant pour qui s'intéresse à l'histoire des idées. livres.onpk.net

Vos commentaires et/ou trackbacks

Le mardi 14 avril 2015 à 14:04, commentaire par Mère Teresa :: #

Merci pour ces critiques de livres (même si je me demande pourquoi un lien Amazon et pas d'un autre site plus...libriste ou tout simplement pas marchand).

Le mardi 14 avril 2015 à 15:01, commentaire par Perrick :: site :: #

@Mère Teresa : oui je sais, je sais. Tu n'es pas la première à me le dire ;-) D'ailleurs j'ai un projet dans les cartons pour remédier à ça. Encore un tout petit peu de patience...

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