Quand Lille se rêve pour les 0,01% en quête d’investissement immobilier

vendredi 5 mai 2017 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackback

Je garde de mon temps à Londres le plaisir dominical d’un journal. Un petit tour au kiosque pour acheter The Guardian ou The Observer, survoler plus ou moins rapidement les nombreux suppléments, commencer par la fin le journal proprement dit (autrement dit le sport, of course), relire la chronique d’Alexander Chancellor, finir avec les doigts plein d’encre. Au détour d’un week-end, c’est un Financial Times, apporté par une soeur après d’une traversée en Eurostar, qui arrive à la maison : certes les pages sont roses, mais la madeleine refait surface. Une bouffée londonienne…

Comme avec tous les journaux « professionnels » (du Marin à Eco121), je prends plaisir à découvrir des sujets qui ne m’intéressent pas directement : ils permettent de s’offrir à peu de frais un point de vue original, de toucher du doigt des problématiques qui nous impacteront plus tard ou de découvrir comment une industrie fait face à ses nouvelles contraintes.

Et puis en page 4 du supplément House & Home, une photo attire mon attention. Sa légende ? France - Lille Centre, Mansion transformed into a guest house (…). Appartement included. €2,990,000

Une 'Mansion' à Lille - France

Lille serait donc devenu une destination possible pour de riches investisseurs internationaux ? Ces 0,01% qui peuvent faire autre que rêver en consultant les annonces immobilières d’un appartement parisien, d’un manoir dans le Kent ou d’une résidence secondaire en Caroline du Sud.

Sauf que n’est pas Paradise Island - Bahamas ou Lavender Hours - Fulham qui veut. Vous aurez peut-être repéré comme moi non seulement l’affiche publicitaire qui cache une partie de la façade mais aussi les trois voitures, trop communes pour faire croire à un quartier Upper middle class. C’est à ce genre de détails qu’on voit la distance qu’il reste à parcourir pour que Lille puisse se prétendre ville-monde, quand bien même le Brexit rebat quelques cartes.

Des maisons de luxe en Grande-Bretagne

Les vélos en libre service en Chine

mardi 18 avril 2017 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackback

Visiblement les systèmes de vélos partagés se sont envolés en Chine - ou au moins à Shanghai : plusieurs marques en compétition, des vélos disponibles sans borne, des cadres divers et variés, etc. Le récit de Project Gus est très instructif. Et je ne résiste pas à vous mettre quelques photos (je vous laisse trouver la plus "publicitaire", elle est sans lien 8-)

Visiblement les chinois ont le choix entre Mobike, Ofo, Bluegogo ou U Bike, entre autres. On est loin des turpitudes du vélib parisien. Même si les piles de vélos qui s'entassent ne sont pas au goût de tout le monde !

Recherche 40 sociétés pour préfigurer une monnaie locale inter-entreprise au sein de la MEL

mardi 4 avril 2017 :: perrick :: Entreprenariat :: aucun commentaire :: aucun trackback

Une monnaie locale pour la Métropole Européenne de Lille, avec le collectif « Monnaie Locale Bois Blancs » et d’autres, on y travaille depuis bientôt 2 ans. Avec le printemps, on a décidé de changer de braquet : on cherche désormais une quarantaine d’entreprises qui seraient prêtes à jouer le jeu le jour où cette monnaie émerge.

Carte de la MEL

Pendant que les élus passent par les vecteurs institutionnels (MEDEF, CJD, CCI, Chambre des métiers, etc.), notre objectif est désormais d’aller chercher les entreprises convaincues : celles dont l’équipe de direction a déjà vue le film « Demain », celles qui ont choisi un statut de coopérative, celles qui veulent se lancer dans une certification B-Corp, celles qui font du RSE tous les jours, etc. Bref celles qui ont envie de construire le monde d'après.

L’objectif à terme est de disposer au niveau du territoire métropolitain d’un réseau comme celui du Wir ou du Sardex : des entreprises formant une communauté dans laquelle les relations et la confiance commune sont le vrai capital pour construire l’économie de demain. Envie d’y participer le jour où ça se lance ? La première étape est tout simple : montrer son intérêt et rejoindre le groupe des entreprises pré-figuratrices. N’hésitez pas à en parler autour de vous...

Quand un mathématicien pleure de ses modèles

vendredi 24 mars 2017 :: perrick :: Connexe(s) :: aucun commentaire :: aucun trackback

Voir un mathématicien pleurer.

George Papanicolaou, spécialiste des mathématiques financières, pleure.

Non pas la perte d’un être cher, mais bien à cause de la mathématique elle-même. Tel est l’image que donne George Papanicolaou de sa discipline : prise dans les mailles de la finance néo-libérale, elle aura été capable de sécuriser tout le monde tant que « ça allait » et malheureusement incapable d’alerter nos dirigeants du risque systémique. Si vous n’avez pas vu Comment j'ai détesté les maths, il est peut-être encore temps; même si le documentaire date de 2011, il résonne encore en 2017. Il résonne d’autant plus pour moi que j’ai fait des études de mathématiques. À Londres. Entre 1995 et 1999. Et que ce « monde de la finance » a probablement embauché plus de la moitié de ma promotion.

Paul Jorion, celui là même qui nous invite désormais à se débarrasser du capitalisme car c’est une question de survie, a déjà bien identifié l’effet de fronde de cette finance-là : un « système qui génère de nouvelles aristocraties, ces 1% de la population qui détiennent 40% des richesses, et qui sont devenus un obstacle à la réforme du système ». Il nous invite désormais à soustraire l’argent de ce système dompté par les mathématiques financières. D’après lui, le revenu universel ne ferait qu’aggraver les choses : « 90% des sommes qu’on distribuera se retrouveront dans le coffre des banques », libre ensuite aux banquiers de trouver les équations pour en détourner - à leur profit - le maximum, sous couvert d’une assurance personnalisé par exemple.

[Sa] proposition alternative, c’est d’étendre la gratuité. On peut revenir à une santé et une éducation gratuite, et développer la gratuité de l’eau, des transports publics, et d’une alimentation de base. Ce qui ne représenterait pas des sommes considérables, serait à l’abri de la prédation des banques, et irait à l’encontre du consumérisme – contre lequel un revenu universel ne serait pas protégé.

Le aikishugyosha(élève en aikido) que je suis devenu l’année dernière apprécie. Relâcher en souplesse et proposer de la légerté pour retourner l’agressivité d’un adversaire, c’est délicat et redoutable à la fois. Et au passage ça rapproche des mathématiques, par la voie de leur élégance et de leur beauté.

Une semaine de 4 jours, le nouvel objectif chez No Parking

mercredi 22 mars 2017 :: perrick :: Entreprenariat :: aucun commentaire :: aucun trackback

Dans mon premier boulot - chef de projet multimedia dans une petite agence de communication aujourd’hui disparu - j’étais arrivé en pleine négociation des 35h (on est en 2009) : les patrons y réfléchissaient ardemment, il fallait quelqu’un pour représenter les salariés, j’y suis allé. Et puis il y a eu des aménagements pour les petites entreprises et les RTT nous sont passées sous le nez.

Presque quinze ans plus tard, j’explore le côté politique de la chose (initialement via le Collectif Roosevelt) mais la semaine de 4 jours ou les 32h restent encore tabou en France : quand bien même une campagne circule en ce moment - du travail pour tous - je n’attends plus grand chose de ce côté-là, le personnel politique sera le dernier à évoluer.

Restait donc le cas de No Parking : l’équipe y est encore à 37h30 - sans RTT. Alors que c’est l’endroit où je peux avoir le plus d’impact (j’en suis le dirigeant après tout) et où je suis le plus libre (avoir 100% du capital, ça aide). Et ce 21 mars, la petite équipe au grand complet - trois développeurs, une commerciale et une designer - vient de se fixer un objectif ambitieux pour la prochaine année fiscale : les 4 jours par semaine pour le prochain printemps (2018 donc), pour tout le monde, sans baisse de salaire. Et ce sera mieux encore si on pouvait augmenter tout le monde au passage.

Il paraît que le Lean permet ce genre prouesse : résultat dans un peu plus de 52 semaines.

Huit bouquins lus, la quatorzième vague

dimanche 19 mars 2017 :: perrick :: Livres :: 2 commentaires :: aucun trackback
  1. Contact de Matthew B. Crawford
    La suite de l’exploration du réparateur de moto philosophe : cette fois-ci M. Crawford nous plonge dans les affres de la modernité. L’évolution des aventures des personnages de Disney (de Mickey à Donald Duck en passant par Dingo) en est un marqueur : d’abord décontenancés par les objets d’un quotidien récalcitrant - et donc forcément très drôles - ils ont désormais une boîte magique avec des outils capable de répondre parfaitement à n’importe quelle situation. L’effet burlesque a disparu, la matière est escamoté et le réel perd toute aspérité. Cette quête d’un rapport désirable avec le monde, parce que formateur et enrichissant, le mènera à explorer la musique des salles de sport YMCA et Kant ou Kierkegaard, l’Américain statistiquement moyen et les tuyaux d’orgue de Taylor & Boody. Des allers-retours entre lecture de philosophie classique et analyse des gestes du travail ordinaire très féconds. livres.onpk.net
  2. Chez soi : une odyssée de l'espace domestique de Mona Cholet
    Fan de Mona Cholet depuis ses longs essais dans Périphéries, j’adore sa façon si particulière d’écrire des livres : un véritable papillonnage de références érudites en extraits éclairants pour défricher un terrain, la maison cette fois. Un battement de page m’a donné envie d’aller voir du côté de Christopher Alexander et de son classique A Pattern Language: Towns, Buildings, Constructionsi cher à tous les développeurs qui ont étudié nos fameux Design Patterns. Un autre nous mène à une comparaison entre les elfes d’Harry Potter et les travailleurs uberisés. Et toujours des références au féminin, comme ses pages autour du livre The Feminine Mystique : y entrevoir la chape de plomb, mortifère, glaçante et terrible, qu’on subit les Américaines avant 1963, effraie. Littéralement. Et visiblement elles ne veulent pas la voir revenir. livres.onpk.net
  3. Petite poucette de Michel Serres
    Un livre trop court et trop superficiel pour m’avoir intéressé durablement. livres.onpk.net
  4. Tout peut changer : Capitalisme & changement climatique de Naomi Klein
    Ce gros volume est alarmant : tout d’abord sur les méfaits de l’industrie extractiviste, mais aussi sur le combat idéologique mené des mécènes tantôt malveillants, tantôt opportunistes mais toujours fortunés. Eux ont choisir leur camp : ils veulent un capitalisme triomphant. Des habitants de la planète ne pourront le supporter et les années qui viennent seront décisives : ce sera eux ou nous, avec en première ligne les peuples autochtones et autres zadistes. Une démonstration implacables et très fouillée avec ce qu’il faut de touche personnelle pour sentir poindre la véritable humanité. livres.onpk.net
  5. C'est toi le printemps ? de Chiaki Okada et Ko Okada
    Un livre tout mignon avec des dessins magnifiques de simplicité et de douceur : l’histoire d’un lapin pressé de voir arriver le printemps. Et voilà qu’un grand ours blanc arrive… livres.onpk.net
  6. Le management Lean de Michael Ballé et Godefroy Beauvallet
    J’avais découvert le Lean via les livres de Mary et Tom Poppendieck, probablement au milieu des années 2000 : j’en avais profité pour faire sauter les itérations « agiles » qui étaient devenu un véritable carcan pour Opentime. En effet une fois qu’un logiciel Saas est en production, il n’est plus question d’attendre une semaine pour livrer une correction à un client. Nous avions au passage remplacé l’appellation « post-it » par « kanban » et nous nous proclamions « Lean ». Dix années plus tard, il était plus que temps d’aller revisiter ces notions : visiblement le chemin vers l’excellence est encore long, y compris pour No Parking(et nous aurons l’occasion d’en reparler prochainement). livres.onpk.net
  7. Culottées de Pénélope Bagieu
    Cette série de portraits au féminin a été publiée par épisode en 2016 sur un blog du Monde.fr: le livre est réjouissant avec de grandes illustrations qui viennent avantageusement compléter les planches du blog. On y découvre une galerie de femmes hautes en couleur, en conviction et en courage. Je n’y connaissais que Joséphine Baker. Entre Clémentine Delait, Delia Akeley, Agnodice ou Wu Zetian, les découvertes sont nombreuses. livres.onpk.net
  8. Systems of Survival de Jane Jacobs
    Jane Jacobs continue de me surprendre : je la connaissais pour ces réflexions économiques et urbaines, je la découvre sur des territoires philosophiques et politiques. Dans ce livre, elle explore deux « syndromes » qui sont autant de manière de survivre : celui du gardien lié au territoire (éviter le travail, adhérer à la tradition, être loyal, dispenser des largesses, etc.) et celui du marchand lié à l’échange (éviter la force, respecter les contrats, être honnête, être ouvert à l’inventivité et à la nouveauté, etc.). Elle montre combien ces deux systèmes sont mutuellement exclusifs : on ne peut pas à la fois être prompt à la vengeance ou prodigue en loisirs (d’autres aspects du gardien) et être économe ou promouvoir le confort et la commodité (ceux du marchand). Les combats à droite pour la présidence de la République en donnent des échos navrants : Mme Le Pen et M. Fillon, tous les deux figures sévères, autoritaires et nationales (des gardiens) sont rattrapés par des affaires financières (très marchandes donc); M. Macron, ancien banquier qui rêve d’une France de milliardaires habillées en costard (un marchand), se cherche une posture contre-nature à travers les grosses ficelles du service militaire(fétiche de gardien). Ces mélanges de genre sont - d’après elle - à l’origine de nombreux problèmes, quand bien même les uns ont besoin des autres (et réciproquement). Cherchez une organisation qui, d’une part, exige une loyauté à tout épreuve et sait être fataliste, et qui, d’autre part, fait preuve d’esprit d’entreprise, respecte scrupuleusement les contrats et sait investir à des fins productives; vous trouverez peut-être la Mafia sicilienne et sûrement un monstre. Si on veut éviter le système des castes (la France de l’Ancien Régime, mais encore l’Inde du XXe siècle) qui figent les personnes dans des rôles et qui bloquent les mélanges, il reste la « flexibilité bien informée » : elle permet aux uns et aux autres de passer successivement de l’un à l’autre de ses syndromes au gré des activités, sans les confondre. livres.onpk.net

Demain, un Super Apéro PHP ! Une Super Journée AFUP en 2019 ?

mercredi 8 mars 2017 :: perrick :: PHP :: 2 commentaires :: aucun trackback

Depuis le PHP Tour à Lille en 2011, plus grand chose ne s’y passait côté AFUP dans la capitale des Hauts-de-France. Il y avait bien eu la création d’une antenne locale mais finalement peu d’apéros. Heureusement les SfPots ont pris le relais : cette dynamique a abouti au dossier de candidature pour le PHP Tour 2018. Les esprits chagrin retiendront qu’il n’a été retenu cette année (bravo Montpellier), mais il le sera plus tard c’est certain. Mais encore une fois comment conserver cette envie d’aller de l’avant ?

Ce 9 mars 2017 est devenu en moins d’un mois le grand rendez-vous de toutes les villes qui font du PHP au quotidien. On y retrouve bien sûr celles qui ont déjà leurs apéros réguliers (comme Paris ou Lyon) mais surtout toutes celles dont la dynamique s’était essoufflée (Lille donc, mais aussi Bordeaux ou Luxembourg) ou celles qui émergent (Poitiers, Montpellier, Reims). Tous ces micro-évènements sont la preuve qu’il faut du rythme pour qu’une association tienne, qu’il faut des rendez-vous réguliers.

Pendant longtemps tout nouveau bureau de l’AFUP a eu une mission non-négociable : faire en sorte que le Forum PHP soit organisé. Le reste du programme d’un bureau est bien sûr important mais jamais impératif. Seul le Forum PHP l’est. Il est synonyme de vie pour tous les membres. Depuis le PHP Tour s’est installé : il permet à une ville d’impulser une dynamique sur un territoire (Luxembourg ou Montpellier en sont les meilleurs exemples) ou d’apporter un coup de projecteur sur des actions de terrain régulières et de qualité (plutôt le cas de Clermont-Ferrand).

J’ai l’impression qu’on détient avec ce Super Apéro, une formule intéressante pour permettre le développement des antennes locales : une formule souple (un bar et un organisateur dans une ville suffise pour se lancer) et une date fixe (la motivation des villes en dépend). Il ne reste plus qu’aux plus motivés d’y adjoindre une journée ou une après-midi de conférences et d’appeler ça : « la Super Journée AFUP ».

Ainsi on n’empiète pas sur le PHP Tour (qui reste à 2 jours), on se permet de faire plus qu’un apéro en profitant de l’effervescence nationale. Les lillois, dans votre dossier du PHP Tour 2018 il y a tout (lieu, speakers, thème, sponsors) : on la monte, cette journée spéciale ?

Le Revenu de Base est une super solution. Mais à quel problème ?

vendredi 3 mars 2017 :: perrick :: Connexe(s) :: 2 commentaires :: aucun trackback

Lors de la consultation pour choisir un candidat citoyen à l'élection présidentielle de 2017 via LaPrimaire.org, j'ai été surpris par une réponse de Nicolas Bernabeu sur ce fameux revenu de base.

Ce médecin corse de 31 ans - très diplômé et visiblement plutôt à gauche - propose un revenu de base pour « simplifier les systèmes économiques et sociaux », éviter les taxes (plus de CSG, plus de CRDS, etc.) et les allocations (familiales, chômage, maternité, etc.) tout en assurant nourriture, logement, santé pour une somme comprise entre 1250 pour ceux qui ne peuvent pas travailler et 850 euros par mois pour les autres.

Imaginons certains conséquences de ces cas précis :

Qui est prêt à perdre une partie de ses revenus, gagés sur le socle de notre contrat de société (la solidarité nationale), pour un revenu de base comme celui-là ? Pas une majorité de Français, je le crains. Vous me rétorquerez bien évidemment qu’il y a d’autres formules possibles. Vous auriez raison… Mais au juste à quoi servirait ce revenu de base ? Car la véritable question est là. Et malheureusement elle est absente de bien des débats.

A-t-on peur de la disparition du salariat, emporté par des robots ? De l’empilement administratif qui se complexifie à chaque législature ? Des inégalités toujours croissantes, renforcées par des politiques de dumping chez tel ou tel voisin ? Des loyers trop élevés en ville, devenus des barrières insurmontables de l’ascenseur social ? De la fin des retraites par répartition, après les écrêtages forcés des modèles par capitalisation ? De la disparition des solidarités nationales, européennes ou mondiales ? Des mutations incontrôlées du capitalisme contemporain ? D’autre choses encore ? De tout cela à la fois ?

Mon impression tenace est que le revenu de base est devenu un mot qui obscurcit le débat, qui empêche de se poser les bonnes questions. Une impression partagée visiblement.

Les robots qui pourraient fabriquer puis conduire des camions ? Bien sûr que j’en veux plus : les boulots pénibles et répétitifs, en 3x8 ou loin de chez soi doivent devenir une chose du passé. Et si on en profitait plutôt pour passer d’abord à 32h, puis à 28h.

Les procédures administratives contraignantes ? Oui bien sûr - et tout de suite même - s’il s’agit de protéger mes filles des perturbateurs endocriniens : visiblement l’Union Européenne préfère pour le moment faire passer le profit d’industriels en priorité. Et pour ceux qui en veulent moins, je suis prêt à être beta-testeur sur le prélèvement de mes cotisations d’indépendant à la source qui permettra en plus à l’État de pré-remplir ma déclaration d’impôts. On a des équipes minuscules au sein de beta.gouv.fr alors qu’on peut imaginer y améliorer des services existants et même en créer des nouveaux.

La fin du travail ? Visiblement Google a encore besoin d’un paquet d’ingénieurs pour détecter les commentaires haineux et la France pourrait créer un million d’emplois supplémentaires pour répondre aux enjeux écologiques, sociaux et économiques de la Transition. On a encore de la marge.

Les inégalités astronomiques ? Alors même que les sirènes du dumping fiscal promis par le Royaume-Uni commencent à se faire entendre, on pourrait commencer par une harmonisation fiscale.

Le capitalisme contemporain, hiérarchique, vectoraliste et anti-régulation ? La crise écologique nous fournit les détracteurs attendus et affutés (les affairés de gros sous), des alliés inhabituels (les peuples autochtones) et un levier encore plus puissant (le changement climatique) : c’est en tout cas la thèse - très argumentée - de Naomi Klein dans son dernier ouvrage Tout peut changer : Capitalisme & changement climatique.

Bref avant de faire passer notre si chère Sécu par pertes et profits, il faudrait peut-être vérifier qu’on ne détient pas juste une balle d’argent.

La France a un gros handicap : la puissance de ses institutions

lundi 13 février 2017 :: perrick :: Connexe(s) :: aucun commentaire :: aucun trackback

De temps en temps, je découvre une phrase qui percute. Parce qu'elle va au contraire de la vulgate du moment et parce qu'elle fait écho à un sentiment diffus qui se dissipe grâce à elle.

[La France] a un gros handicap : la puissance de ses institutions. Les institutions sont fondamentalement conçues pour apporter de la stabilité au système. Tout au plus elles peuvent l’adapter à la marge, mais en aucun cas modifier ses fondamentaux. Elles ont été notre force. Il ne s’agit pas de les faire exploser car elles doivent continuer à assurer leurs missions durant la décennie de transition que nous allons vivre.

Cette fois donc, elle est écrite par Geneviève Bouché (futurologue) dans sa dernière publication : Bien voter – la transition démocratique. Disponible en Creative Commons, cette note a le mérite de poser de bonnes questions pour les échéances électorales du moment bien sûr mais surtout pour le futur que nous pouvons souhaiter. Surtout si on veut s'épargner la bonne guerre, celle qui remet tous les compteurs à zéro (ou presque).

L'équipe de No Parking au travail : un documentaire de 7 minutes

lundi 30 janvier 2017 :: perrick :: No Parking :: aucun commentaire :: aucun trackback

Entre novembre 2015 et avril 2016, Tristan Senet a réalisé un documentaire sur ce qui se passe dans les bureaux de No Parking. On y retrouve des papillons repositionnables (les fameux post-its), des lignes de code, des coups de fil et la tranquillité presque silencieuse qui surprend toujours nos visiteurs. Bonne découverte... Et surtout un grand merci à tous les "acteurs" : Jeff, Matthieu, Ophélie, Alexis.

Huit bouquins lus, la treizième vague

lundi 9 janvier 2017 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Cities and the Wealth of Nations de Jane Jacobs
    Pour le fan que je suis devenu, ce livre a fait son office : très bien écrit, il se permet d'égratigner des grands penseurs classiques de l'économie avec brio. On y retrouve ses grands concepts économiques : la croissance par le remplacement des importations (pour permettre la montée en gamme), l'importance des échanges entre villes de même niveau (ou pourquoi Lille, Lyon, Nantes ou Marseille doivent se comparer entre elles et pas avec Paris), l'impossibilité de "sauter" des étapes sur l'échelle du développement économique (sous peine de perdre de précieux capitaux avec des usines que personne ne peut faire tourner localement), l'incapacité de la macro-économie de compter (et donc de réfléchir) en deçà de l'échelle nationale, la puissance de la curiosité esthétique et récréative (ou Taïwan, de l'agriculture - 1950 - aux composants hi-tech - 2000 - en passant par les jeux électroniques - 1980), etc... Tous les citer vous priverait d'une bonne lecture, je m'arrête là. Je me permettrai juste un rapide retour en arrière sur une autre lecture - historique celle-là - qui m'avait marqué : Une grande divergence où Kenneth Pomeranz cassait lui aussi le carcan étatique pour faire apparaître une histoire plus fine et plus précise du grand décollage de l'Europe, en commençant par les régions sans arbre mais avec du charbon de l'Angleterre. livres.onpk.net
  2. Archives du Nord de Marguerite Yourcenar
    Une très belle plume prend le temps d'évoquer ses souvenirs et ceux de sa famille paternelle - les Cleenewerck de Crayencour. Une mémoire qu'elle attrape au vol au grès de sources disparates. Et qu'elle retranscrit affectueusement et délicieusement. Pour l'anecdote, au même moment j'ai écouté un épisode de la Fabrique de l'Histoire Second Empire : Qu’est-ce que la fête impériale ?, quel ne fut pas ma surprise de découvrir que cet esprit de fête, flamboyant et fastueux, était largement partagé en province (au moins à Lille et aux alentours) à l'époque ! livres.onpk.net
  3. Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar
    Un vieil empereur - Hadrien - qui écrit à son petit-fils adoptif - Marc-Aurèle - qui finira lui aussi empereur : la trame est tenue. Et pourtant quelle belle oeuvre ! Car c'est bien un grand livre que j'ai eu le privilège de lire : de la poésie, du souffle, des sentiments, de la philosophie, bref de la Littérature. Pas de psychologie mais de la réflexion introspective à l'état brut. Pas de grandiloquence mais de la subtilité humaine. Mes flâneries épisodiques au Mont Noir prendront désormais un relief particulier, entre remerciement et gratitude à cette grande dame de la langue française. livres.onpk.net
  4. Les silences du Colonel Bramble de André Maurois
    En ces temps de Brexit, j'ai pris ce livre à la bibliothèque de mon quartier sur un coup de tête : André Maurois me disait très vaguement quelque chose (merci Wikipedia pour la confirmation qu'il a été académicien et pour la découverte de ses relations avec Pétain teintées de proximité mondaine et de méfiance). J'ai goûté avec jubilation aux us et coutumes des officiers britanniques pendant la Grande Guerre (qu'il a connu en tant qu'interprète militaire et officier de liaison) : ça sent bon le charme surannée des élites passées par les colonies, ce mélange étonnant de sportsmanship, de suffisance et de loyauté, toujours accompagné d'un verre de sherry / brandy / scotch. Comme avec Blake et Mortimer, on y retrouve des facettes de ce Royaume-Uni qui n'est plus (si tant est qu'elles ont dépassé un jour le cercle restreint qui commence avec son Upper middle class). livres.onpk.net
  5. Génération Erasmus de Sandro Gozi
    Je suis français, j'ai fait Erasmus en Italie (au départ de Londres). J'ai pensé que ce serait intéressant d'aller creuser une vision politique portée par ma génération de l'autre côté des Alpes. Quelques anecdotes politiques (mais pas tant que ça) et quelques idées fortes (migration gérée en commun / partis transeuropéens / réformes structurelles du marché du travail et relance économique) parcourent ce livre d'un européen convaincu et visiblement sincère. Le hic, c'est que finalement Renzi a laissé sa place en Italie avant de gagner des galons au niveau européen (même si sa jeunesse fait qu'il pourra revenir); et le re-hic, c'est qu'il y a entre la génération des "Pères fondateurs" et celle des "Erasmus", une génération - celle qui a entre la cinquantaine et la soixantaine en 2017 - dont la conviction européenne n'est pas aussi chevillée au corps, une génération à l’égoïsme forcené qui refuse de considérer qu’elle n’a pas “mérité” l’intégralité des avantages et privilèges collectifs dont elle bénéficie et dont beaucoup sont “revenus” de la politique sans jamais y être allé autrement qu’en jouant aux révoltés post-pubères lors de Mai 1968 (dixit Frank Biancheri, initiateur du programme Erasmus). Vivement 2020, qu'on sorte du monde des babyboomers... livres.onpk.net
  6. Diabou Ndao de Mamadou Diallo
    Le conte gourmand d'une petite fille qui aimait manger des gnioules et d'un lion qui rode autour de son village. Fou rire assuré pour toute la famille. livres.onpk.net
  7. La spirale du déclassement de Louis Chauvel
    Sociologue et professeur d'université, Louis Chauvel livre dans cet ouvrage un portrait tout en dynamique de la société française. L'utilisation des cohortes (plutôt que la moyenne a une date donnée) permet de mettre en lumière de nouveaux éléments-clé et de bien comprendre les mécanismes à l'oeuvre au sein des classes moyennes : repatrimonialisation, chômage, dépréciation du niveau des diplômes entrent en résonnance et mettent en difficulté notre pacte social. On trouve aussi un bel exemple de modèle non-linéaire dans son interprétation de la relation entre inégalités et mouvement social : les plus matheux y reconnaîtront sûrement la modélisation "classique" de Lotka-Volterra (les proies et les prédateurs prenant le dessus à tour de rôle). livres.onpk.net
  8. Le paradis des femmes et l'enfer de chevaux de Idriss al-'Amraoui
    Un tout petit livre écrit en 1860 par un émissaire du Sultan marocain de passage en France : le périple étonnant d'un grand lettré qui traverse la France en chemin de fer pour s'entretenir avec Napoléon III. Ce mélange d'admiration et d'attachement sincère à ses valeurs propres en fait un anti-Lettres Persannes. livres.onpk.net

Attacher ses vélos quand on habite en ville, le cas lillois

lundi 19 décembre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackback

La Ville de Lille étend peu à peu son initiative vélo en dehors du centre ville. La semaine dernière des agents ont ainsi installé des arceaux vélos sur l'avenue de Bretagne, pas très loin d'Euratechnologies.

Je me suis demandé brièvement pourquoi ces nouveaux arceaux avaient été placé si loin des entrées d'Euratechnologies : il n'y a aucun commerce à proximité immédiate. Et pourtant, de l'autre côté de la rue, il y avait un vélo accroché à un poteau de signalisation routière... Faut croire que le besoin est là.

J'ai donc changé mes lunettes et je suis allé en quête de ces systèmes bricolés par les particuliers pour éviter de traverser toute la maison avec un vélo tout sale... Et c'est une pêche très fructueuse que je vous propose (tout ça dans les 5 minutes à pied autour de mon domicile).

Des anneaux scellés dans le mur, des arceaux dans la terrasse, des portes vélos dans le jardinet, etc. Visiblement la demande est bien là : vivement que les mairies en tiennent compte, et que le gouvernement fasse aussi son boulot.

L'UNION à la sauce MySQL

mardi 13 décembre 2016 :: perrick :: MySQL :: aucun commentaire :: aucun trackback

Dans la famille des "trucs" MySQL qu'on utilise pas souvent mais qui sont quand même bigrement pratique, je vous présente UNION ALL. Bien sûr la documentation en dit long :

UNION is used to combine the result from multiple SELECT statements into a single result set.

C'est quand même super pratique quand on veut - dans une même requête - afficher les temps travaillés et les absences, comme c'est le cas dans Opentime.

Mais si le commit correspondant date du 27 janvier 2015, pourquoi en parler maintenant ? Trop simplement parce qu'au détour d'un refactoring je tombe sur cet appel dont je ne me souvenais plus. Mais alors pas du tout. Un blame plus tard, je me rends compte que je n'en suis pas l'auteur : donc un grand merci à Matthieu, pour m'avoir fait découvrir ce truc. En espérant qu'il serve aussi ailleurs et plus tard...

En période de transition, l'ère des entrepreneurs ou le moment des entreprenants ?

lundi 21 novembre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: aucun commentaire :: aucun trackback

Donc nous serions à l'âge des entrepreneurs : ce sont eux qui nous font rêver (Steve Jobs pour ses vélos pour l'esprit, Elon Musk avec ses voitures, Serguei Brin aves ses voitures aussi, Travis Kalanick avec ses voitures encore). Ce sont eux qui drainent les talents vers la Silicon Valley. Eux encore qui portent une vision pour demain : grâce à leurs idées, ils nous font entrer dans l'Âge des Entrepreneurs. Cette époque où les VCs auraient perdu de leur superbe : avec un coût de création d'une entreprise proche de zéro comme celui de l'obtention d'une validation sur le marché, l'équilibre du pouvoir s'est déplacé pour de bon. Ce n'est plus une question d'investisseurs qu'ils soient issus d'un fond (VCs), informels (angels) ou providentiels ("Super Angels"). Les règles ont changé et nous avons un nouveau roi. Comprendre "l'entrepreneur".

Et pourtant, toujours en Californie, les recettes fiscales grâce à l'impôt sur le revenu ont légèrement augmenté, mais les collectes sur les taxes de ventes et sur les entreprises sont à la traîne d'un montant combiné d'environ 210 million de dollars. L'article du Los Angeles Times annonce au passage que des coupes risquent de se produire dans le système éducatif : les élèves pourraient perdre 7 jours de cours dans certains districts.

Bien sûr, les entrepreneurs d'ici et d'ailleurs se bougent, ils ont la "gnaque". D'ailleurs certains ont une solution à ce problème précis, elle s'appelle Espérance banlieues : des écoles implantés dans des quartiers difficiles, hors contrat, peu chères (la somme relativement modique de 750 euros / an) et issues d'un réseau traditionaliste et ultra-libérale où l'on peut trouver des anciens des Frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, des donations privées issus de la fondation Bettencourt-Schueller ou de la famille Mulliez, le tout cornaqué par Éric Mestrallet, chef d'une entreprise désormais en liquidation.

Bref la société entrepreneuriale serait devant nous. En espérant quand même que ces entrepreneurs aient le temps : car certes ils travaillent plus que leurs salariés; mais pas tant que ça non plus, moins que leurs cadres en tout cas. Et pourtant ça ne suffit pas : élaborer une stratégique est un exercice difficile pour beaucoup d’entre eux par manque de temps, d’outils et de recul sur leur entreprise, leur marché, leur environnement est une ritournelle qu'on entend souvent (au moins chez les conseilleurs patentés). Et on voudrait leur donner notre feu vert pour penser la société entière à 8 ou 15 ans ?

Bien sûr, on sent bien que ça craque de tous les côtés : Trump & Brexit sont les symptômes récents d'un changement de paradigme. Alors pendant que certains réfléchissent pour de vrai à un nouveau pacte social à moyen terme et que d'autres préfèrent payer des think-tanks, des citoyens se prennent par la main avec d'autres armes : avec des pinceaux, ils tracent les pistes cyclables dont ils ont besoin sur les routes de leur quartier et dans leurs villes; avec des graines ils s'inventent apprentis jardiniers, adeptes de la guérilla jardinière & potagère ou des incroyables comestibles d'ici ou d'ailleurs. Et que dire des urbanistes citoyens de Strong Towns ou de l'APU de Fives. Et aussi des créateurs de monnaie ou de pound. Ce sont les mille fleurs qui doivent éclore avant de refaire société comme l'a si bien montré le film Demain... Aussi pourrions-nous plus modestement appeler ce moment, celui des entreprenants ?

Quelques pistes de réflexion complémentaires sur la "Comment la France a tué ses villes"

vendredi 28 octobre 2016 :: perrick :: Espace urbain :: 2 commentaires :: aucun trackback

Monsieur Olivier Razemon,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre dernier ouvrage : Comment la France a tué ses villes. Je profite donc que vous soyez encore en vie - ce qui n'est plus le cas de Jane Jacobs - pour ajouter quelques remarques à cet ouvrage remarquable.

Pourquoi parler de cette américaine naturalisée canadienne morte en 2006 ? Outre le fait qu'elle a largement stimulé mes réflexions récentes sur l'économie de ville, j'ai l'impression qu'elle transparaît aussi en creux dans votre ouvrage. Ainsi dans un chapitre intitulé Mobilité piétonne universelle, vous attribuez à Frédéric Héran le résumé Les yeux de la rue. Comment oublier qu'il s'agit là d'une de ses remarques les plus fécondes (en particulier dans son livre Déclin et survie des grandes villes américaines). Tellement emblématique même que c'est devenu le titre d'une de ses biographies. J'en profite donc pour mettre la citation au complet (elle date de 1961) :

Il faut remplir trois conditions pour qu'une rue puisse accueillir dans de bonnes conditions des étrangers au quartier et être en leur absence un endroit où règne la sécurité, comme c'est le cas dans les quartiers des grandes villes qui fonctionnent bien.

Premièrement, le domaine public et le domaine privé doivent être clairement départagés. Il ne doit pas y avoir d'interpénétration entre les deux comme cela arrive si souvent dans un tissu de banlieue ou dans les grands ensembles.

Deuxièmement, il doit y avoir des yeux dans la rue, les yeux de ceux que nous pourrions appeler les propriétaires naturels de la rue. C'est pourquoi les façades des immeubles d'une rue destinée à accueillir des étrangers au quartier et à assurer leur sécurité en même temps que celle de ses habitants doivent obligatoirement comporter des ouvertures donnant sur cette rue. Ces façades ne doivent pas être aveugles et présenter des murs sans fenêtres.

Troisièmement, la rue doit être fréquentée de façon quasi-continue, à la fois pour augmenter le nombre des yeux en question, et pour inciter les occupants des immeubles riverains à observer les trottoirs en grand nombre. Peu nombreux en effet sont les gens qui se livrent à l'exercice qui consiste à s'asseoir sur un perron ou regarder par la fenêtre pour contempler une rue vide de passants. Alors qu'énormément de gens se distraient à bon compte en observant de temps à autre ce qui se passe dans la rue.

Je vous invite au passage à lire - si ce n'est pas déjà fait - l'ensemble de son oeuvre. Et au passage, un autre de ses apports - peut-être plus indirect - aura été la création de ses fameuses balades urbaines que vous racontez dans le chapitre La force du diagnostic : ces visites architecturo-urbanistiques ont d'ailleurs pris le nom de Promenades de Jane un peu partout sur la planète.

Toujours outre-atlantique, probablement parce que la dégradation des villes y est plus forte encore, je vous invite à découvrir les travaux de l'association Strong Towns. Il s'agit un média américain associatif qui suit une approche intéressante :

  • s'appuyer sur les investissements petits et incrémentaux (plutôt que des dispendieux projets de transformation radicale)
  • mettre en avant la résiliance des résultats (plutôt que l'efficacité de l'exécution)
  • permettre l'adaptation grâce au feedback des utilisateurs
  • s'inspirer d'une action "bas-vers-le-haut" (chaotique mais astucieuse) plutôt que "haut-vers-le-bas" (ordonnée mais stupide)
  • tenter d'animer la vie le plus proche possible d'une échelle humaine
  • être obsessionnel sur la comptabilité pour les recettes, les dépenses, les actifs et surtout le passif à long terme (faire tous les calculs).

Le dernier point est tout à fait crucial dans leur démarche et permet d'établir des diagnostics plus sévères encore, en particulier sur le coût réel de l'entretien des routes. On comprend alors pourquoi une de leur campagne du moment s'appelle No New Roads et pourquoi nos géants de la grande distribution attendent toujours que le nouveau rond-point soit en place pour s'installer. Ou comment la jolie impasse qui mène au coeur d'un lotissement construit dans les années 1980 présentera 40 années plus tard des trous, des bosses et autres nids de poule : tout nouveau ménage s'installant dans cette douzaine de maisons devrait payer chaque année 21 euros supplémentaires (par rapport aux autres habitants de la ville) pour entretenir ce bout d'impasse "privatif"; à moins qu'un peu de dette soit passée par là et qu'on décale le problème de quelques années encore ou qu'on fasse payer l'addition aux autres habitants.

Parallèlement le Congress for the New Urbanism (CNU) - une autre association pluridisciplinaire (on y trouve des urbanistes, des architectes, des artistes, des artisans, des activistes, etc.) - dresse de son côté un portrait régulier des périphériques et autoroutes "sans futur" : la Nouvelle-Orléans, Syracuse New York City, Toronto, Buffalo, Rochester New York, St. Louis, San Francisco, Detroit ou Long Beach sont dans leurs radars depuis 2014. Son pendant en France, membre du "Conseil Européen des Urbanistes (ECTP-CEU)", la Société Française des Urbanistes, est réservé aux professionnels expérimentés dans la planification urbaine, la composition et l’application des plans d’aménagement de territoires et d’urbanisme. On est encore loin d'une société civile épanouie.

Dernier point, grâce aux travaux d'Hélène Yildiz et de Sandrine Heitz-Spahn (de l'Université de Lorraine), on découvre des corrélations entre civisme local et achat en centre-ville : plus un individu est investi au sein de sa commune, plus il privilégie les commerces en centre-ville. Si on considère que les monnaies locales complémentaires - désormais citoyennes - sont un marqueur possible d'un attachement civique à son territoire, on comprend peut-être mieux le pari d'un ville comme Boulogne-sur-Mer avec ses bou-sols. Bref j'ai l'impression qu'il y a entre démocratie et urbanité des liens à creuser : peut-être pour un prochain ouvrage ?

En tout cas un grand merci pour cette lecture stimulante et passionnante : les commentaires pas toujours bienveillants sous vos billets traitant de ces sujets montrent à quel point le travail pédagogique est loin, très loin, d'être arrivé à son terme.